Saint-Moritz

Évoquer Saint-Moritz, c’est évoquer les salons feutrés des grands hôtels, leur luxe sans bornes, leurs clientèles richissimes -anglaises, italiennes, allemandes, américaines, russes, suisses- qui, loin de passer tout leur temps sur les champs de neige, préfèrent les boutiques offrant montres, bijoux, vêtements, location d’avions privés ou restaurants à la mode…

Un lieu entre situation idéale et innovations

À Saint-Moritz, l’argent omniprésent semble ne pas compter. L’image a sa part de vérité, mais elle mérite quelques nuances. Si, comme dans beaucoup d’autres stations, la présence d’une source d’eau minérale (ferrugineuse) alimente les premiers intérêts, la convergence d’autres facteurs précipite la renommée de la localité engadinoise: une situation idyllique, une hôtellerie inventive et un réseau de transports efficace.

Par situation idyllique, il faut entendre une exposition idéale au soleil et à la neige (1800 mètres), la présence de lacs qui se prolongent jusqu’aux confins de la Haute-Engadine et un accès facilité par la topographie évasée de la vallée. Le panorama est grandiose sans être effrayant.

Par hôtellerie inventive, il faut comprendre le développement d’un hébergement qui non seulement s’adapte à une clientèle exigeante, mais qui fait preuve aussi d’une anticipation de ses besoins. Le premier hôtel ouvert par le promoteur du lieu, Johannes Badrupp, en 1858, est complété en 1879 par l’installation de l’éclairage électrique, une innovation à l’échelle suisse. D’autres établissements de grande envergure suivent qui donnent au lieu une image très sélect. La recherche de clientèles trouve une nouvelle dimension avec les sports d’hiver. Des Britanniques surtout, à l’esprit novateur, prouvent que la saison d’hiver n’est pas maudite. Les hôteliers du lieu ne disent pas le contraire. Dès les années 1880, le curling, le skeleton, le bobsleigh, le patinage mais aussi les courses hippiques s’additionnent avant que ne s’impose le ski pour faire de Saint-Moritz une station avant-gardiste. Une élite cosmopolite -économique, politique, sociale, culturelle- aime à s’y rendre parce qu’elle sait qu’elle y trouve, été comme hiver et avec des aménagements appropriés, les amusements les plus en vue et les plus euphoriques. Elle n’hésite pas à mettre la main à la poche. Grand habitué des lieux, l’armateur grec Stávros Niárchos participe à la construction de funiculaires et de téléphériques.

Un lieu connecté

Si la localité devient un ‘must’ sur la carte touristique mondiale, elle peut compter sur un réseau de transport efficace. Malgré son relatif éloignement, les Chemins de fer rhétiques la relient à ses lignes en 1904 et le Chemin de fer de la Bernina en 1910 qui l’ouvre sur l’Italie. Divers transports à câble ainsi que des téléphériques rallient les cimes environnantes. La présence d’un aéroport dans la localité proche de Samedan facilite également la venue d’une clientèle aisée. L’essor de Saint-Moritz –dont la population résidente passe de 228 habitants en 1850 à 1603 en 1900, 3197 à 1910 et 5000 en 2020– trouve un retentissement international avec l’organisation en 1928 et en 1948 des Jeux Olympiques d’hiver (Illustration 1). Il se matérialise aussi, avec les Trente glorieuses, dans la parahôtellerie. Les résidences secondaires sous la forme de maisons individuelles ou d’appartements changent peu à peu le visage de Saint-Moritz qui aujourd’hui présente les aspects d’une ville à la montagne.

Illustration 1: Affiches des JO de 1928 et 1948

Laurent TISSOT

  • Lütscher Michael, 2015, Schnee, Ski und Stars, Zurich, NZZ Libro, 272p.
  • Rageth Jürg, Margadant Silvio, 2011, Saint-Moritz, dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 21.01.2011, traduit de l’allemand. En ligne.
  • Cala Sébastien, Quin Grégory, 2024, Des Jeux olympiques en temps de crises. Pour une histoire économique et touristique de l’essor du ski alpin autour de Saint-Moritz (années 1930 – années 1970). Histoire, économie & société 2024/1-2 (43e année), pp. 86-107. En ligne.