Compte Satellite du Tourisme

Le Compte Satellite du Tourisme est un outil utilisé pour évaluer les retombées économiques du tourisme.

Une invention pour saisir la réalité de l’économie touristique

Le Compte Satellite du Tourisme (CST) est peu défini, et peu explicité dans le Mémento du tourisme (2018). En effet, une phrase brève nous apprend que «le CST mobilise toutes les sources statistiques disponibles en matière de production et de consommation de produits touristiques. Les règles d’évaluation sont cohérentes avec celles utilisées dans les comptes nationaux, permettant ainsi de mesurer le poids du tourisme dans le PIB.» Ensuite, le texte bascule en faveur d’une autre expression: la «consommation touristique intérieure».

En fait, le CST est une invention élaborée au sein de l’Organisation Mondiale du Tourisme. Cette institution est partie du constat que le poids économique du tourisme n’était pas d’emblée perçu à la hauteur de la réalité. En effet, le calcul de la contribution des activités économique à la production de richesse est réalisé par branche selon une nomenclature. Cette dernière attribue donc au secteur des transports les dépenses des touristes dans ce domaine, à la culture la participation aux festivals et les entrées aux musées comme la fréquentation des établissements patrimoniaux. De même les forfaits de ski relèvent des sports.

Il y a donc une tendance à la sous-estimation des dépenses réalisées par les touristes. Le CST tente donc d’évaluer la Consommation Touristique Intérieure soit les dépenses effectuées par les touristes, à la fois des résidents en France et des non-résidents. À noter que dans la terminologie de l’OMT la référence en matière de mobilité transnationale est la notion de résidence et non celle de la nationalité.

Une méthode à la louche

Pour ce faire, le CST distingue premièrement les activités caractéristiques du tourisme. Il s’agit en fait du rassemblement des activités qu’aucune autre branche ne prend en compte, soit les HCR (hôtels, cafés et restaurants). Mais ce choix pose problème, tant il est évident que seule une partie des restaurants sont principalement fréquentés par des touristes, tandis que d’autres n’accueillent que des habitants. Il en est de même, et de manière plus flagrante, des cafés.

Pour les hébergements, l’OMT et les institutions n’hésitent pas à inclure la totalité des usages, par les voyageurs d’affaires, les pèlerins et autres, selon leur approche extensive, au contraire d’une approche restrictive, qui limite le tourisme à un système qui a pour finalité la recréation des individus (Knafou et Stock, 2013).

À ces dernières sont ajoutées, les effets du tourisme sur les autres secteurs, comme les transports, la culture, les activités sportives… Tout cela conduit à mettre en place une logique de branche: ainsi tout le secteur culturel est intégré… Une surestimation remplace donc une sous-estimation.

Au-delà, le CST s’inscrit dans une logique de l’appréhension du tourisme par l’économie qui s’appuie sur un modèle, la chaîne de valeur (Lanquar, 1994), qui se présente comme une succession linéaire d’opérateurs intégrant les voyagistes, les transporteurs, les hébergeurs. Or ce schéma ne correspond qu’à une partie de la réalité, celle dans laquelle la forte altérité conduit les individus à solliciter les tour-opérateurs en direct ou par le biais des agences de voyages pour réaliser leur projet. Les économistes se placent dans cette optique comme le montre la figure présentée par Joël Raboteur (Ill. 1), et d’autres s’y réfèrent sans toujours l’expliciter (Caccomo, 2015).

Ill. 1. La chaîne touristique, selon Joël Raboteur (2000)

Une autre approche, due à Laurent Botti, Nicolas Peypoch et Bernardin Solonandrasana, consiste à mobiliser le concept de technologie de production et se réfère aux destinations, soit les régions administratives pour les auteurs. Cela les conduit à ne pas intégrer les transports ni les voyagistes. Pour les hébergements, seule la catégorie dite marchande est prise en compte. Pour les loisirs, curieusement, le graphique privilégie les littoraux, quid des montagnes? Dans le champ de la culture, les musées sont mentionnés, pas les festivals et autres manifestations, ni les monuments…

Dans les faits, il existe pour les touristes d’autres manières de procéder (Stock, 2020). Le recours aux TO et aux transporteurs s’inscrit dans un contexte de destination marquée par une forte altérité, tandis que, à l’extrême inverse, lorsque la familiarité est grande et cela peut concerner des lieux très éloignés de sa résidence principale, il est possible pour les individus d’assurer une partie des fonctions, voire la totalité comme le transport, avec son véhicule, l’hébergement, qui sera dit non-marchand s’il s’agit de sa propre résidence secondaire, mais la location peut se faire «au noir».

Surtout les individus peuvent choisir d’élaborer tous les repas en s’approvisionnant localement. Ainsi le commerce n’est pas intégré au CST, ni de fait les achats auprès d’agriculteurs, selon le schéma des circuits courts. Ainsi comme la mesure prend en compte la valeur ajoutée, l’effet multiplicateur du tourisme n’est pas pris en compte.

Ill. 3. Modèle des relations actionnelles au sein du système touristique (source: Stock et al., 2020, p. 180)

Quelle piste pour une autre méthode?

Une approche spatiale pourrait apporter une solution. En caractérisant les lieux selon des types touristiques, il serait possible d’aboutir à une estimation plus fiable. En effet, les établissements productifs des stations pourraient être considérées comme touristiques à 90% environ (cela reste à affiner), pour tenir compte des habitants, peu nombreux par rapport aux touristes comme en témoigne la saisonnalité des activités.

Cela posé, il ne faudrait pas non plus oublier la tendance le long des littoraux orientée vers un processus de résidentialisation. Pour les villes, il faudrait tenir compte de leur inégale touristicité, Thionville n’est pas Paris; de même pour les campagnes. Pour la montagne une distinction entre les massifs pourrait s’appuyer également sur la typologie des lieux.

Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Botti Laurent, Peypoch Nicolas et Solonandrasana Bernardin, 2013, Économie du tourisme. Paris, Dunod.
  • Caccomo Jean-Louis, 2007, Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. Louvain-la-Neuve, Éditions De Boeck Université, 225 p.
  • Raboteur Joël, 2000, Introduction à l’économie du tourisme. Paris, L’Harmattan, coll. «Sociétés et économies insulaires», 152 p.
  • Stock Mathis, Coëffé Vincent, Violier Philippe et Duhamel Philippe (dir.), 2020, Les enjeux contemporains du tourisme: une approche géographique. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 502 p.