Zermatt
Le nom de Zermatt n’est pas dissociable de celui d’une montagne, le Cervin (Matterhorn en allemand et en anglais). Cette proximité est le fer de lance de tout un développement touristique qui prend d’abord naissance avec la fascination exercée par ce sommet sur les alpinistes. C’est dans un deuxième temps que le village suscite un intérêt purement touristique avec la construction de plusieurs hôtels et l’arrivée en 1891 d’un chemin de fer. La plupart des établissements et des installations de remontées mécaniques est dans les mains d’une bourgeoisie très protectrice qui assure un contrôle total sur tous les projets de nouvelles constructions. Elle refuse depuis 1931 la circulation de toute voiture privée sur le territoire de la commune.
Un lieu qui doit beaucoup au Cervin
Il est difficile de trouver un autre exemple où la création d’un village touristifié a été aussi intimement liée à une montagne particulière et il n’est pas erroné d’affirmer que sans le Cervin, Zermatt n’aurait pas eu accès à une telle renommée. Vu de la bourgade, ce sommet prend une allure unique, véritable pyramide des Alpes qui n’a cessé de fasciner les autochtones comme les visiteurs. Horace Bénédict de Saussure est bouleversé à sa vue lors de l’une de ses expéditions en 1789, et ne peut s’empêcher d’y retourner en 1794, pour ce qui sera son dernier voyage. Dès 1830, les alpinistes britanniques en font leur destination favorite avec une seule question: qui sera le premier à le vaincre ? Les tentatives se multiplient sans succès jusqu’au 14 juillet 1865 qui voit une cordée emmenée par Edward Whymper réussir cet exploit. Mais les cris de joie sont rapidement assombris par la mort de quatre de ses membres lors de la descente, événement qui suscite l’indignation de nombreuses personnes – dont la reine Victoria – mais qui fonde définitivement la réputation de Zermatt (Illustration 1)
Un lieu sous contrôle
Si l’alpinisme est au cœur du développement de la station, il est aussi à l’origine des premiers hôtels qui trouvent dans les ambitions d’un ressortissant valaisan, Alexandre Seiler, un promoteur de premier plan. «Étranger» à la localité, Seiler doit composer avec la bourgeoisie communale, particularité institutionnelle de la Suisse. Survivance du Moyen-Âge, cet organe regroupe les détenteurs du droit de cité d’une localité, et est généralement propriétaire de biens qu’elle administre elle-même. À Zermatt, c’est un puissant élément de contrôle de la gestion de la majorité des terrains et donc de tout développement touristique. Ce qui toutefois n’a pas privé la localité de connaître un essor prodigieux. Trente-huit hôtels furent construits entre 1838 et 1911. La bourgeoisie fait encore sentir son poids aujourd’hui. Si elle peut compter 1 500 bourgeois, principalement issus des familles historiquement originaires du lieu, elle détient plusieurs hôtels et restaurants d’altitude regroupés, depuis 1996, sous l’égide du Matterhorn Group qui occupe plus de 300 employés ainsi que des parts importantes dans la société de remontées mécaniques. Elle est propriétaire de 1 000 hectares de forêt. Cela a une conséquence importante sur la nature du développement de la station. En 2011, plus des deux-tiers des hôtels sont détenus et exploités par des membres d’une famille possédant une telle exploitation à Zermatt depuis plusieurs générations. En 2002, la tentative de la Compagnie des Alpes de reprendre toute l’exploitation des installations du lieu pousse les promoteurs locaux, sous l’initiative de la bourgeoisie, à une union qui sauve leurs intérêts (illustration 2).
Un lieu connecté au Monde
Un autre fait marquant est la construction, en 1891, d’un chemin de fer à voie étroite qui relie Zermatt à Viège dans la vallée, 31 kilomètres plus loin. En raccourcissant considérablement le temps de parcours, elle met Zermatt en connexion avec toutes les voies de communication suisses et étrangères. La particularité de la localité est qu’elle interdit, depuis 1931, la circulation des voitures privées sur son territoire. Confirmée par plusieurs votes de ses habitants, cette décision donne à la station un fort pouvoir symbolique et publicitaire qui, associé au Cervin, la présente comme une station avant-gardiste.
Bibliographie
- Antonietti Thomas, 2000, Bauern, Bergführer, Hoteliers. Fremdenverkehr und Bauernkultur. Zermatt und Aletsch 1850-1950. Baden, Hier&Jetzt.
- Guex Stéphanie, 2016, Tourisme, mobilités et développement régional dans les Alpes Suisses : mise en scène et valeur territoriale. Montreux, Finhaut et Zermatt du XIXe siècle à nos jours. Neuchâtel, Alphil, , 496p.
- Merki Christoph Maria, 2004, Eine aussergewöhnliche Landschaft als Kapital : Destinationsmanagement im 19. Jahrhundert am Beispiel von Zermatt, dans Histoire des Alpes, pages 181-201.
- Truffer Bernard, « Zermatt », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 13.02.2014, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/002822/2014-02-13/, consulté le, 19.10.2022.