Village touristifié

Un village touristifié est un village dont le tourisme est devenu le principal moteur économique et l’agent essentiel de la dynamique sociale. C’est le pendant de la ville touristifiée dont il constitue la version rurale.

En effet, dans une partie des campagnes, en France celles dont les paysages pittoresques, les productions d’une agriculture restée diversifiées et orientées vers les produits du terroir, mais aussi dans les massifs de montagne, dans les régions de faible densité de population où le tourisme domine, les villages ont été touristifés. Cette mutation se manifeste de plusieurs manières.

Le cœur des bourgs a été abandonné par les activités agricoles qui se sont recomposées en périphérie, notamment dans les exploitations isolées en marge du territoire communal. Dans le même temps, il a été investi par des services liés à la fréquentation touristique, comme à Domme (Ill. 1), village perché et bastide royale fondée en 1281 qui domine la Vallée de la Dordogne, au sud de Sarlat-la-Canéda. Ainsi les rues principales sont investies par des hébergements, des restaurants, des commerces de bouche ou de souvenirs (Ill. 2). Le bâti a été patrimonialisé et offert au regard et aux visites, que ce soit les habitations anciennes, les ruelles, les places, les halles (Ill. 3, 4 et 5), ou les monuments comme les églises, plutôt romanes, ou les remparts. Les châteaux ne sont pas en reste mais sont plutôt isolés, voire postés en surplomb.

Ill. 1. Village de Domme en Dordogne… ou Périgord (source: IGN-Géoportail)

Ill. 2. Rue transformée par un alignement commercial dans le bourg de Domme (Dordogne) (cl. Philippe Violier, 2008)

Ill. 3. La halle de Domme abrite également l’entrée d’une grotte. Elle a été régulièrement réhabilitée, comme le montre les plaques commémoratives accrochées sur la façade à gauche et à droite. Voir les illustrations 4 et 5 (cl. Philippe Violier, 2008).

Ill. 4. Halles de Domme, plaque commémorative témoignant d’une première réhabilitation réalisée en 1879 (cl. Philippe Violier, 2008).

Ill. 5. Sur les Halles de Domme, plaque commémorative complétant celle de la première réhabilitation réalisée en 1879 (Ill. 4). En dessous, plaque pour la «restauration» de 1954. En même temps, elles constituent un témoignage de la persistance de l’emprise des familles de notables sur les campagnes (les de Malleville) (cl. Philippe Violier, 2008).

L’animation est devenue saisonnière, plutôt estivale dans les campagnes d’altitude modérée, tandis que dans les montagnes de plus haute altitude, une saison hivernale s’est développée à la faveur de la diffusion des pratiques de ski, alpin ou de fond comme à Morzine (Ill. 6). Il est fréquent de qualifier de station ces villages touristifiés de montagne mais cela prête à confusion si on retient qu’une station est un lieu créé par le tourisme. Car ces villages sont antérieurs et ne doivent pas leur création au tourisme (Ill. 7 et 8). Du coup, nous préférons le qualificatif de village touristifié pour un lieu d’autant plus submergé par le tourisme que sa petite dimension offre peu de résistance. À l’opposé, Avoriaz est un comptoir créé de toutes pièces, entre 1960 et 1967, à l’emplacement de chalets d’estive (Ill. 6).

Ill. 6. Sur le territoire de la commune de Morzine, un couple touristique, avec à l’ouest, dans le fond de la vallée, entre 900 et 1000 mètres d’altitude, le village touristifié, et à l’est, sur le plateau, entre 1800 et 1900 mètres, le comptoir Avoriaz (source: IGN-Géoportail).

Ill. 7. La carte de 1950 montre que si le bourg était bien présent, seuls des chalets d’altitude sont plantés au lieu-dit Avoréaz, replat herbeux en altitude propice à l’estive, période en été pendant laquelle les troupeaux bovins sont menés en altitude. La présence de remontes pentes et l’expansion de l’habitat trahissent la touristicité du lieu dès cette époque (source: IGN-Géoportail).

Ill. 8. Au contraire, la carte de la première moitié du 19e siècle saisit un bourg de montagne étriqué qui se consacre aux activités traditionnelles (IGN-Géoportail).

La fréquentation importante qui se renouvelle à chaque saison a obligé les édiles à trouver des solutions aux engorgements. La circulation automobile est fortement réduite voire interdite et des parkings localisés à l’extérieur permettent aux touristes de laisser leurs véhicules (Ill. 9 et 10), tandis qu’au cœur du bourg pointent des signes d’urbanité (Ill. 11).

Ill. 9. Village de Domme; parking situé à la périphérie orientale du village, nettement visible sur la carte (voir Ill. 1) (cl. Philippe Violier, 2008).

Ill. 10. Liaison en petit train touristique assurée entre le parking et le bourg de Domme. L’éloignement entre le parking et le village a suggéré la création d’une liaison, ici pour un coût modéré. Cela permet à tous les touristes d’avoir accès au village perché (voir Ill. 1) (cl. Philippe Violier, 2008).

Ill. 11. À Domme, rencontre entre le patrimoine, bâtiment de la mairie et arbre de mai, et la modernité, le parcmètre (cl. Philippe Violier, 2008).

Philippe VIOLIER