Appel à communications : journée d’étude «Économie touristique informelle et développement durable, un fléau à combattre ou une dynamique à intégrer ?»

Catégorie : À la une, Appels à contribution des partenaires

Le laboratoire Territoires de Clermont organise des Journées d’étude avec le laboratoire SAEDD de Marrakech sur «Économie touristique informelle et développement durable, un fléau à combattre ou une dynamique à intégrer ?». Cet évènement se déroulera le 18 et 19 novembre 2024.

Résumé

Le terme économie informelle est devenu courant au début des années 1970 (Hart, 1985; Joggi, 1998). Il rassemble toutes les activités économiques qui se déroulent en dehors du cadre des institutions officielles (Igué, 2019; Bennafla, 2012; Bennafla, 2015; Hart, 1985). L’informel serait «une bonne mauvaise pratique» (Pesqueux, 2012) et «une économie organisée hors organisation» (Pesqueux, 2021). Contrefaçon, faux, copie, imitation… et bien d’autres adjectifs sont utilisés pour décrire un phénomène global qui gangrène, selon certains, l’économie mondiale. Des produits de toutes sortes, violant la propriété intellectuelle et les lois sur le travail, circulent dans le monde, loin de tout contrôle. Ils alimentent un marché informel estimé à 7 % du commerce international (Gounin, 2024). Un phénomène qui a décuplé à cause de la révolution technologique (Chéneau-Loquay, 2011). Le volume des ventes des produits de la contrefaçon sur les plateformes et les sites de vente en ligne a explosé ces dernières années (Jiang, Chen, 2021; OCDE, 2021; Chow, 2019). Le secteur informel représente encore environ un tiers de l’activité économique des pays à revenu faible ou intermédiaire, et encore 15 % dans les économies avancées. Selon l’Organisation internationale du travail, environ 2 milliards de travailleurs, soit 60% de la population active mondiale âgée de 15 ans et plus, passent au moins une partie de leur temps dans le secteur informel (Deléchat & Medina, 2021).

Dans les économies émergentes l’informel est souvent présenté comme un obstacle à la croissance et au développement durable. Les acteurs informels y ont recours pour éviter les impôts et les cotisations sociales, se dérober aux normes et aux exigences en matière de licences. Dans une perception générale, cette économie informelle utilise un marché du travail où les travailleurs informels n’ont pas de contrats, ni de protections sociales, ne sont pas instruits, sont sous payés et sont plus susceptibles d’être pauvres. L’informel est causé et nourri par la «triche» des entreprises pour éviter de payer des impôts mais aussi et surtout pour s’approvisionner (Joggi, 1998). Ce sont également beaucoup de petits métiers indépendants, dont les membres s’approvisionnent auprès d’un réseau ou dépendent d’un réseau pour accéder à un marché (un point de vente par exemple).

Le secteur touristique ne diffère pas de ce schéma général, il en est un des secteurs-clés, alimenté de l’extérieur (ou de l’intérieur avec les touristes nationaux, comme au Maroc) par la manne touristique. En tant que secteur de services, l’informel touristique attire beaucoup d’investisseurs informels, de toutes les tailles, qui échappent aux cadres légaux (Loayza, 2016, Schneider, 2011), et qui ne déclarent ni leurs revenus, ni leurs salariés. Pour les entreprises formelles, ce fléau impose une concurrence déloyale qui les prive de leur droit en tant qu’organisations enregistrées auprès de l’administration et qui s’acquittent de leurs obligations en termes de licence et d’autorisations (cautions, assurances, fiscalité…). Les faux-guides, les locations/meublés non homologués, le transport informel, les organisateurs informels de voyages sont des métiers où nous trouvons le plus d’acteurs informels. Cette situation est problématique. Elle nuit aussi bien à la destination qu’au secteur privé formel et aux touristes qui se trouvent, parfois, piégés et arnaqués. Néanmoins, l’informel peut, aussi, pallier l’absence de structures touristiques, surtout dans des zones reculées loin des pôles touristiques traditionnels. Dans ce cas, l’informel apparaît comme une chance pour les territoires et les populations. Ce qui pousse les décideurs, et même les entreprises formelles, à le tolérer, et même à le soutenir, pour ce qu’il apporte comme innovation pour le produit de la destination d’une part et comme revenu pour la population locale d’autre part (tourisme solidaire, tourisme humanitaire, volontourisme…).

Le combat contre l’informel et le marché noir dans toutes ses facettes, vise à la fois à bannir les activités illicites et à intégrer/contrôler toutes les activités qui génèrent une valeur marchande pour augmenter les recettes fiscales et le PIB (Hart, 1985; Lautier, 2004); les entreprises informelles ne contribuant pas à l’assiette fiscale et ayant tendance à rester petites, avec une faible productivité et un accès limité au financement. Dans tous les cas, les programmes et les stratégies adoptées ont comme principal objectif de combattre l’informel. Mais les problèmes sous-jacents à son développement sont profonds. Ils demandent une certaine flexibilité dans le traitement de la question puisqu’elle met en jeu l’incapacité structurelle des politiques d’inclusion (Deléchat & Medina, 2021; Adair, 2020), d’autonomisation, d’accès inégalitaires aux financements (World Bank, 2014), de la liberté d’entreprendre, et des différents dispositifs réglementaires mis en place. Ce qui nous pousse à nous interroger: est-ce que l’élimination de l’informel est une nécessité pour le développement durable ? L’attaquer sous l’angle simpliste de l’illégalité et de la triche fiscale semble préjudiciable à des acteurs/espaces qui emploient une grande part de la population active et génèrent de la valeur.

L’informel est alors aussi une opportunité et une solution pour de larges franges de la population mondiale non instruite souvent, mais qui peut l’être dans un marché déséquilibré où l’offre dépasse nettement la demande, avec une économie truffée de barrières à l’entrée. Rappelons que cette réalité permet à un grand nombre de ménages de vivre (ou de survivre), bien que la précarité soit le quotidien. Par-delà les revenus qu’il offre, l’emploi informel assure une certaine paix sociale, voire publique, dans des pays où l’informel représente l’essentiel de l’emploi disponible (Afrique subsaharienne, Amérique latine…). Dans ce cadre, ne faudrait-il pas changer le regard porté sur cette énergie déployée au quotidien ? En effet, les entreprises et les emplois liés sont une véritable dynamique, mal comptabilisée mais réelle. Alors plutôt que de le combattre (mal) ne faudrait-il pas davantage tendre à l’intégrer ?

Dans cette perspective, le tourisme, et particulièrement le tourisme durable peuvent jouer un rôle moteur. Leur dynamique est essentiellement portée par l’extérieur (tourisme interne ou externe), avec des flux financiers conséquents et des touristes probablement de plus en plus soucieux du mieux-être des personnes permettant les services attendus.

Les journées d’études organisées à Clermont-Ferrand par le laboratoire Territoires, dans le cadre du projet franco-marocain Toubkal, ont pour objectif de permettre un nouvel éclairage sur l’économie touristique informelle et d’en étudier ses facettes, ses facteurs déterminants et ses conséquences économiques, tout en discutant des réponses politiques possibles.

Axes de recherche

Les axes de recherche suivants sont non-exhaustifs, mais doivent intégrer la thématique des journées :

  • L’économie informelle comme pratique dans les organisations formelles
  • Les nouvelles pratiques touristiques nées de la révolution numérique :
  • Numérique, économie informelle et ubérisation dans le secteur touristique
  • Genre et économie informelle du tourisme
  • Politiques et stratégies d’inclusion de l’économie informelle
  • Gouvernances (ou non gouvernances) et perspectives de nouvelles gouvernances, plus inclusives, plus intégratrices dans l’économie touristique formelle

Les propositions peuvent être des réflexions, des mises en débat, mais aussi des cas concrets basés sur une géographie et une approche et mesure de ce secteur économique dans des espaces. Les propositions ne dépasseront pas une page hors bibliographie. Elles auront un titre clair et problématisé.

Informations pratiques

  • Date de l’évènement : 18 et 19 novembre 2024
  • Lieu de l’évènement : 4 rue Ledru, Clermont-Ferrand, France (63) 
  • Format de l’évènement : hybride (sur site et en ligne)
  • Date limite d’envoi : 1er octobre 2024
  • Pour toute information ou proposition écrire à franck.chignier-riboulon@uca.fr

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