Phuket

Avant de devenir une destination touristique majeure en Asie du Sud-Est, Phuket était simplement un village de pêcheurs prospère en minéraux. Depuis les années 1960, lorsqu’il s’agissait d’une base de convalescence pour l’armée américaine, en passant par l’exploration de la région par les touristes européens dans les années 1970 et 1980, jusqu’à l’occupation massive de l’île par les touristes d’Asie de l’Est – en particulier les Chinois – à partir des années 1990, l’essor touristique de Phuket a connu des évolutions sensibles quant aux origines des visiteurs internationaux.

L’île Phuket, « la perle de la mer d’Andaman »

Le nom Phuket, dérivé du mot malais « Bukit » signifiant colline, remonte à l’année de 1025 et se réfère aux formations montagneuses de la plus grande île de Thaïlande. L’ancien nom Manikram signifie également « montagne de cristal » en tamoul. Phuket regorge de gisements minéraux, notamment d’ivoire, de pierres précieuses, de perles naturelles, d’épices et d’ambre gris. Ces ressources sont devenues populaires auprès des pirates malais, des commerçants arabes, des moines tamouls, des négociants en soie chinois et des aventuriers européens aux XVIIe et XIXe siècles.

Lorsque d’importants gisements d’étain ont été découverts dans la région de Kathu au milieu du XIXe siècle, celle-ci est rapidement devenue la zone la plus peuplée et une nouvelle ville portuaire a été développée pour desservir les mines. La ville était alors connue sous le nom de Bukit ou, aujourd’hui, de Phuket Town. La modernisation de Phuket trouve ses origines entre 1890 et 1909, sous la domination de Phraya Rassada (Khaw Sim Bee), un personnage d’origine chinoise. Pendant cette période, Phuket a entrepris la construction d’un grand nombre d’édifices de style européen ainsi que de nouvelles voies de communication.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le tourisme a pris une importance capitale dans le contrôle de l’avenir de l’île par le gouvernement central. Ainsi, une part significative des gains touristiques a été centralisée par la capitale, puis redistribuée à chaque province selon le recensement officiel de la population ou les revenus générés par celle-ci. L’objectif était de rééquilibrer le développement global du pays. En 2011, bien que Phuket ait été classée parmi les dix premières provinces en termes de produit intérieur brut (PIB), le gouvernement central n’a alloué à l’île qu’un budget classé au 72ème rang parmi les 76 provinces en termes de subventions provinciales (OMT, 2012).

À Phuket, ce déséquilibre s’est manifesté par des forces de police diminuées et insuffisamment financées, des hôpitaux et des écoles publiques mal équipés et sous-financés, ainsi qu’un réseau routier en mauvais état. La réticence de Bangkok à déléguer son autorité financière à Phuket a entravé le plein développement de l’île. De nombreuses propositions d’amélioration émanant de Phuket sont régulièrement rejetées et nécessitent l’approbation de multiples services gouvernementaux à Bangkok, qui sont lents à réagir. Cette situation paradoxale met en lumière une plus grande dépendance envers le secteur privé pour le développement du tourisme, les institutions de l’île étant fortement influencées par la politique nationale. Ainsi, le poids des acteurs privés est supérieur à celui du gouvernement local.

La naissance d’un haut lieu du tourisme insulaire en Asie du Sud-Est

L’image touristique actuelle de Phuket, axée sur l’exotisme, la mise en valeur des paysages tropicaux et l’amabilité des habitants, n’a pas toujours été présente. Cette représentation sociale s’est peu à peu développée grâce à différentes circonstances favorables, telles que l’avènement des vols transcontinentaux dans les années 1950, un contexte géopolitique particulier avec la présence de l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam jusqu’au milieu des années 1970, puis une politique nationale proactive en matière de tourisme avec la création du Tourism Authority of Thailand (TAT) au tournant des années 1980 (Fry, 2002).

Dans les années 1960, Phuket était surnommée « Ceylan trash », en raison de l’essor du tourisme à cette époque. En 1968, alors que la Thaïlande soutenait l’effort de guerre au Vietnam, de nombreux hôtels et bars ont commencé à accueillir les troupes américaines. Un grand nombre de femmes se sont installées sur l’île pour offrir des services sexuels aux soldats américains en repos, et certains hommes homosexuels se sont également engagés dans la prostitution.

Durant les années 1960 et 1970, Phuket a vu naître ses infrastructures touristiques telles que les routes, l’aéroport, les hôtels et les bars, en raison de l’augmentation du nombre de touristes occidentaux. C’est au début des années 1970 que Phuket est devenue une destination prisée, avec l’arrivée massive des routards en Asie. La plage de Patong, alors surnommée « Buddha Forest », était réputée comme une destination de vacances décontractée, où la bière, le sexe et les fruits de mer étaient facilement accessibles.

Dans les années 1970, la zone de Patong était encore un village rustique, tandis que le reste de la région offrait un paysage vierge, bordé de cocotiers et d’arbres fruitiers. Jusqu’en 1976, Patong n’était accessible que par bateau ou en traversant les collines escarpées depuis la région du Katu. Avec l’afflux croissant de routards dans les années 1970, des bungalows au toit de chaume et des restaurants ont commencé à se développer sur Patong et d’autres plages. La route reliant Patong à Phuket Town (traversant parmi les plus hautes collines de l’île) n’a été achevée qu’en 1976 et l’électricité n’est arrivée à Patong qu’en 1979.

La politique touristique de déconcentration de Bangkok-Pattaya du gouvernement et la création occidentale de l’exotisme à l’île de Phuket

La Thaïlande n’est pas une réalité objective du regard touristique, mais plutôt une création. Le pays tel que nous le connaissons aujourd’hui est le résultat d’une élaboration intellectuelle, une représentation. Lorsque ce pays a changé de nom, passant de Siam à Thaïlande en 1939, le tourisme y était pratiquement inexistant. En 1970, seulement 350 000 touristes ont visité le pays, tandis qu’en 2017, ce chiffre a atteint 35,4 millions (OMT, 2018). Comme mentionné précédemment, depuis les années 1950 et 1960, les touristes occidentaux ont façonné l’exotisme touristique de la Thaïlande à leur image, mettant en avant la chaleur tropicale, les plages de sable fin, les divertissements nocturnes, et autres. Ainsi, le tourisme en Thaïlande s’inscrit principalement dans une perspective occidentale.

Pourtant, ce ne sont pas seulement les touristes internationaux qui influencent l’image actuelle de cette destination. Le gouvernement thaïlandais a également joué un rôle crucial dans le façonnage de cette image et dans l’expansion du système touristique du pays grâce à des politiques proactives. L’image d’une Thaïlande souriante, accueillante et chaleureuse, promue par le gouvernement dans les années 1960, a connu quelques ajustements selon les touristes internationaux : ces derniers ont fait part de leur mécontentement concernant une baisse de la qualité des services.

Parallèlement, d’autres pays d’Asie du Sud-Est connaissaient une rapide croissance économique, intensifiant ainsi la compétition régionale. En conséquence, l’Organisation du tourisme de Thaïlande (TOT), établie en 1959, a été dissoute le 5 mai 1979 pour laisser place à l’Autorité du tourisme de Thaïlande (TAT). C’est grâce à ses initiatives que de nouvelles zones touristiques ont émergé sur la côte sud du pays dans les années 1980, faisant de celles-ci une fois de plus l’une des destinations majeures pour les touristes internationaux.

L’efficacité de la politique touristique mise en place par la TAT a incité le gouvernement thaïlandais à intégrer le tourisme comme une industrie majeure dans son programme économique pour les cinq années à venir. De 1988 à 1991, le gouvernement a investi 15 millions de bahts (environ 440 000 euros aujourd’hui) dans la construction, l’entretien et la préservation des attractions touristiques. Durant les années 1980 et 1990, un objectif majeur de la TAT était de « décentraliser » la structure de Bangkok et de la côte sud du pays pour promouvoir le tourisme dans toute la Thaïlande Phuket était l’une des principales destinations prévues pour ce développement touristique (figure I et II).

À cette époque, Phuket a été complètement redessinée et développée selon les normes de la culture balnéaire occidentale, le monde des 3S (Sea, Sand, Sun). Ce phénomène est observable le long de la plupart des côtes tropicales du monde, où le tourisme, déjà présent sur différentes plages, a transformé deux espaces distincts : d’une part, les villes et villages environnants, et d’autre part, l’espace marginal de la côte. Ce dernier est un espace complètement nouveau, entièrement dédié à la logique du touriste occidental de l’époque (Duhamel et Violier, 2009).

Dans les années 1980, Phuket a attiré des hôtels haut de gamme dont les coûts de construction étaient seulement la moitié de ceux de Bangkok, concentrés principalement sur les trois principales plages de Patong, Kata et Karon. En 1995, le nombre de chambres d’hôtel à Phuket était inférieur à 8000, mais au début des années 2010, il a dépassé les 50 000. L’afflux de touristes a stimulé une forte croissance des activités économiques liées au tourisme et a également favorisé le développement dynamique du marché immobilier. Le prix du terrain à Phuket est passé de moins de 50 000 bahts par rai à 80 millions de bahts au milieu des années 2010, soit une augmentation de 1500 fois (le rai est une unité de mesure de surface en Thaïlande, 1 rai équivaut à 1 600 mètres carrés dans le système métrique dans les années 1980). De 1998 à 2012, plus de 10 000 villas et appartements destinés aux propriétaires étrangers ont été construits sur l’île (Hou,2013).

I. Principales zone de tourisme en Thaïlande (Luberigt, 1979)

II. Principaux sites touristiques en Thaïlande (Lainé, 1988)

Phuket a amélioré ses infrastructures de communication, d‘hébergement et de loisirs, attirant entre 30 000 et 50 000 migrants internationaux, principalement originaires d’Europe et d’autres régions du monde. La communauté dite « Farang » représente désormais près de 10 % de la population de Phuket, contribuant considérablement à l’économie et à la diversité culturelle de l’île, où la population indienne et musulmane est également relativement importante (Meyer,1988).

Non seulement les touristes européens qui peuvent désormais se rendre dans le royaume sans visa, mais aussi les Sud-Coréens, les Hongkongais et les Malaisiens ont obtenu des visas de toutes catégories (tourisme, affaires, famille, etc.). Grâce à l’internationalisation de l’aéroport et à la commodité des vols réguliers, les plages du sud de la Thaïlande deviennent de plus en plus accessibles. Parallèlement, le nombre de visiteurs individuels augmente rapidement. Tout cela montre que la création délibérée d’une atmosphère exotique associée à la Thaïlande en tant que destination dépasse désormais le public initial visé par les activités de promotion et de communication. À la fin des années 1990, la Thaïlande est devenue un haut lieu du tourisme tropical à l’échelle mondiale. Le film « The Beach », sorti en février 2000 et tourné à Phuket l’année précédente, mettait par exemple en scène un univers exotique.

La sinisation de l’industrie touristique en Thaïlande et sur l’île de Phuket depuis 2000

La situation a évolué avec la poursuite de la libéralisation des politiques touristiques et l’augmentation de la proportion de touristes en provenance de la région Asie-Pacifique, notamment de l’Asie du Sud-Est. Les sources de touristes internationaux, ainsi que l’émergence massive du tourisme domestique, ont considérablement changé : alors qu’ils étaient initialement centrés sur l’Occident et le Japon, les touristes viennent désormais principalement d’Asie, avec une place de plus en plus importante accordée à la Chine depuis les années 2000. Entre 2009 et 2014, la Thaïlande est devenue l’une des principales destinations pour les touristes chinois : classée neuvième en 2009, elle est montée à la troisième place en 2014. Depuis 2015, la Thaïlande est même devenue la première destination des touristes internationaux chinois. Cette évolution a propulsé le pays au neuvième rang mondial en termes absolus de touristes internationaux, et au deuxième rang en Asie-Pacifique (après la Chine). En 2016, la Thaïlande s’est également classée troisième mondiale en termes de recettes touristiques internationales, avec 49,9 milliards de dollars US, dépassant la Chine et la France (Li, 2019).

L’essor du tourisme international en Chine continentale a été plus tardif comparé à l’Europe, aux États-Unis, au Japon, à la Corée du Sud, à Hong Kong et à Taïwan. Ce projet a débuté au début des années 1980 avec l’autorisation de voyager vers des destinations proches. La Thaïlande, la Malaisie et le Viêt Nam ont été parmi les premiers pays à recevoir ces autorisations de voyage. La liste est restée limitée jusqu’à la fin des années 1990. Au cours de cette décennie, les touristes chinois sont progressivement arrivés en groupes, mais ils ne représentaient pas une grande part des touristes internationaux dans la région. En 2002, plus de 10 millions de touristes étrangers ont visité la Thaïlande, dont seulement 0,21 % étaient des touristes chinois (Dai et al., 2017). Mais la destruction locale de Phuket par le tsunami de l’océan Indien en 2004 a forcé ce changement. En reconstruisant cette destination touristique, le gouvernement thaïlandais, ainsi que le gouvernement local de Phuket, ont instauré des politiques visant à promouvoir divers types de tourisme. Cela inclut notamment la mise en place d’une série de visas à l’arrivée pour les touristes chinois, ainsi que la politique active encourageant les investissements chinois dans le secteur du tourisme (Kontogeorgopoulos et al., 2014).

Le tourisme international en Chine prend son essor depuis l’ouverture d’économie du pays en 1979. Cependant, son organisation est encore régie par une politique nationale qui réglemente les tours opérateurs (TO) et ne fonctionne pas exactement comme les normes occidentales. La Chine adopte une approche unique pour ces statistiques, en incluant Hong Kong et Macao dans les destinations internationales, ce qui gonfle les chiffres d’arrivées et de départs de touristes. Dans sa thèse de doctorat de 2019, Meng Li montre, à travers l’analyse des données des principaux tours opérateurs chinois, que Phuket est l’une des destinations principales du tourisme international chinois dans le pays. Contrairement aux touristes internationaux, les Chinois qui voyagent en groupe constituent une forme importante de leur présence dans cette destination (figure III). Elle est également notée que ces catalogues diffèrent de ceux proposés en Europe ou aux États-Unis. L’île de Phuket n’est qu’une étape d’une nuit dans leur itinéraire de voyage. De là, ils se rendent sur les îles environnantes pour faire du tourisme pendant la journée, par exemple aux îles Pipi. Ils reviennent à Phuket pour dîner, profiter des marchés nocturnes et se reposer dans des hôtels (figure IV).

III. La fréquentation de la Thaïlande par les touristes internationaux en 2019 (Source : OMT, Création de l’auteur)

IV. Les circuits et les sites touristiques chinois selon les tour-opérateurs chinois

Les groupes de touristes chinois se concentrent dans la partie ouest de l’île, où ils passent la nuit (à Patong, souvent appelée le centre commercial de Phuket). En plus de Phuket, ils visitent également les îles environnantes (presque la moitié du temps ici). Alors que Phuket se focalise sur l’hébergement et les centres commerciaux, les îles voisines sont utilisées pour admirer la mer et pratiquer des activités maritimes (parasailing, balades en banane gonflable, découverte du corail avec masque et tuba, etc.). Cette analyse indique que la répartition des lieux visités diffère de celle des autres touristes à Phuket (comme les Russes, par exemple, figure V).

Les touristes chinois en groupe utilisent les principales plages, comme la plage de Patong, comme point d’intérêt pour la journée. Au lieu de se reposer, ils se promènent le long de la plage et visitent ensuite les rues des bars. Chaque endroit est visité pour la journée, puis ils passent à un autre. On pourrait également affirmer que les acteurs locaux du tourisme à Phuket et les grossistes chinois de circuits touristiques ont collaboré pour développer, créer et mettre en œuvre ces espaces et comportements touristiques.

V. Le Port Chalong, un site dominé par les touristes chinois en groupe, partagé avec les autres touristes internationaux (cliché de l’auteur, février 2018).

Phuket s’est édifiée sur cette fusion de pratiques internationales depuis de nombreuses années. Avant l’émergence du tourisme intérieur en Thaïlande, ici comme ailleurs, ce sont les voyageurs internationaux qui ont dicté ces pratiques. En effet, comme nous avons motionnée ce sont principalement les Occidentaux qui, par leurs préférences touristiques, ont influencé la communauté locale à se conformer à leurs attentes. Cependant, avec le temps, une diversité de pratiques et de logiques touristiques a surgi le long de la côte. Nous observons la zone de Chalong, où se trouve Phuket Town, le cœur de Phuket, et l’étude de cet espace révèle des évolutions progressives. En effet, certains sites ne sont pas fréquentés par tous les touristes. Certains sont spécifiquement conçus pour certains d’entre eux. Par exemple, pendant près d’une décennie, les centres commerciaux de la zone de Chalong (magasins hors taxes, magasin de literie en latex) étaient exclusivement réservés aux Chinois. Le latex est un matériau élastique transformé à partir du suc végétal de l’hévéa, il est principalement produit en Asie du Sud-Est. La Thaïlande est le plus grand producteur avec 48,7 millions de tonnes en 2023 (FAO,2024), suivie par l’Indonésie et le Vietnam. Les produits en latex thaïlandais sont en partie utilisés pour fabriquer des matelas et des oreillers, devenant ainsi l’un des principaux souvenirs recommandés aux touristes chinois par les commerçants thaïlandais. Les prix avantageux sur place et les services de transport adaptés sont les principales raisons qui incitent les touristes à acheter.

Les acteurs touristiques qui ciblent la clientèle chinoise sont principalement constitués par les membres de la diaspora historiquement implantée en Thaïlande, auxquels se sont ajoutés des commerçants venus récemment de Chine continentale (carte 2). Ensemble ils entraînent dans leur dynamique les autres employées du tourisme de différentes nationalités (par exemple, dans les maisons d’hôtes et la cérémonie de mariages) pour s’adapter à ce nombre important de touristes (Li, 2021).

VI. Les zones des pratiques touristiques différenciées entre les chinois et les autres touristes internationaux

Ces acteurs touristiques ciblant les Chinois se distinguent nettement, principalement la diaspora chinoise en Thaïlande et les commerçants venus de Chine continentale. Ils dirigent les autres employées du tourisme de différentes nationalités (par exemple, dans les maisons d’hôtes et la cérémonie de mariages) pour s’adapter à ce nombre important de touristes (Li,2021).

Nouveaux défis et nouvelles opportunités pour Phuket à la suite de l’épidémie de Covid-19

Depuis la crise financière asiatique des années 1990, l’industrie du tourisme en Thaïlande a été confrontée à une série d’événements majeurs qui ont entravé son développement. Il s’agit notamment de la crise financière asiatique de 1997, du séisme et du tsunami de l’océan Indien de 2004, des troubles politiques de 2006, 2010 et 2014, ainsi que du déclenchement de l’épidémie de Covid-19 à la fin de l’année 2019. Pour Phuket, qui dépend fortement du tourisme, l’impact des catastrophes naturelles et des troubles sociaux a été considérable. Les catastrophes naturelles ont entraîné des restrictions de voyage et des blocages imposés par le gouvernement, des annulations de vols et la suspension des visas touristiques, ce qui a entraîné une forte baisse du nombre de touristes internationaux à Phuket. L’instabilité politique et les troubles sociaux ont sapé la confiance des touristes, et les craintes et l’incertitude concernant les voyages dans le monde entier ont conduit de nombreux touristes à annuler leur voyage, entraînant ainsi une baisse des recettes touristiques.

Comme mentionné précédemment, la politique de reconstruction touristique mise en place par le gouvernement thaïlandais à Phuket après le tsunami de 2004 dans l’océan Indien s’est avérée efficace. Elle a notamment favorisé l’afflux de touristes chinois, notamment au sein des voyages organisés. Parallèlement, de grands groupes d’investissement chinois dans le secteur du tourisme, tels que Ctrip, ont également prospéré dans cette destination internationale. Ces évolutions ont engendré des changements significatifs dans la dynamique des acteurs touristiques à Phuket. (Dejean et al., 2024).

En même temps, les voyageurs chinois sont particulièrement sensibles aux crises du tourisme, étroitement liées aux propagandes du gouvernement (Dejean et al., 2024). Un grave accident de chavirement et de naufrage de bateau à Phuket en 2018, ayant entraîné la mort de plusieurs touristes chinois, a suscité des préoccupations quant à la sécurité des voyages en Thaïlande chez les touristes chinois. Depuis lors, le nombre de touristes chinois a considérablement chuté, ce qui a eu un impact majeur sur l’industrie touristique en Thaïlande, notamment pour des destinations populaires telles que Phuket. En 2019, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, la dépréciation du yuan et le ralentissement de la croissance économique en Chine ont entraîné une diminution du nombre de touristes chinois. La Chine étant l’une des principales sources de touristes étrangers en Thaïlande, la baisse du nombre de touristes chinois a eu un impact significatif sur le tourisme thaïlandais. Pendant la nouvelle épidémie, la Chine a limité les touristes pendant 3 ans, de 2020 à 2023, ce qui a entraîné des changements radicaux pour le tourisme de Phuket et ses professionnels dépendants.

Pour redynamiser le secteur du tourisme, la Thaïlande a mis en place plusieurs mesures efficaces, telles que l’introduction continue de nouveaux programmes de visa, l’assouplissement progressif des restrictions d’entrée, l’amélioration des normes de sécurité et d’hygiène, la promotion et les politiques incitatives comprenant des réductions sur les prix des hôtels, des remises et des billets gratuits pour les attractions, la promotion numérique du tourisme, ainsi que des programmes de soutien à l’industrie touristique comprenant des prêts, des exonérations fiscales et des formations. Par exemple, le régime de visa pour les touristes chinois a connu une transformation majeure depuis 2023, passant d’un visa à l’arrivée en mars 2024 à une exemption de visa (pour une durée de séjour de 30 jours). D’autres pays d’Asie du Sud-Est ont également changé de politique de visa pour les touristes chinois, avec la Malaisie et Singapour annonçant respectivement des exemptions de visa en décembre 2023 et février 2024.

Pendant ce temps, le gouvernement thaïlandais cherche activement à diversifier ses sources de tourisme au-delà de sa dépendance envers un seul pays, notamment la Chine. Il est important de noter et de discuter des impacts de la légalisation du cannabis en 2022 sur le tourisme. Parmi les aspects positifs, on a remarqué l’attraction de nouveaux types de touristes en provenance de différents pays, la création de nouvelles sources de revenus pour le tourisme, la promotion du tourisme médical, l’attraction de touristes à la recherche de thérapies alternatives et la stimulation de l’industrie et de la recherche médicale. Cette évolution pourrait améliorer l’image de la Thaïlande en la rendant plus ouverte et progressiste, attirant ainsi davantage de touristes internationaux. Cependant, la légalisation suscite également des préoccupations en matière de sécurité et de santé. Ce phénomène est encore en cours de développement et le gouvernement a mis en place un cadre réglementaire pour encourager les investisseurs à participer à l’industrie et promouvoir la recherche médicale.

Meng Li

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