Sarlat-la-Canéda

Sarlat est une petite ville située au cœur d’une région très fréquentée au niveau touristique: le Périgord. Elle en constitue l’un des pôles majeurs, recevant plus d’un million de touristes annuellement, qui l’élisent principalement pour son patrimoine architectural et gastronomique. Reprenant la typologie des lieux touristiques développée par l’Équipe MIT (2002), Sarlat correspond à une ville touristifiée, le tourisme y étant aujourd’hui la fonction dominante.

Sarlat-la-Canéda est une petite ville d’environ 10.000 résidents située en Dordogne, dans le Sud-Ouest de la France.

Ill. 1. Localisation de Sarlat-la-Canéda (réalisation: Annie Ouellet)

Une mise en tourisme relativement récente

L’actuelle commune de Sarlat-la-Canéda correspond à la fusion de «Sarlat» et de «La Canéda» en 1965. La simple appellation Sarlat prédomine néanmoins. Surtout, au niveau touristique, c’est bien Sarlat et son centre ancien qui suscitent l’intérêt des visiteurs.

En effet, le patrimoine bâti de Sarlat constitue aujourd’hui l’un de ses principaux atouts en matière de tourisme. La petite ville possède une forte concentration de monuments classés, dont de nombreux hôtels particuliers et d’anciens bâtiments religieux, datant essentiellement des 13e au 18e siècles. Surtout, l’un des principaux atouts mis en avant par la ville de Sarlat est d’avoir été l’une des premières villes à bénéficier de la protection de son patrimoine urbain dans le cadre de la loi du 4 août 1962, dite loi Malraux, aux côtés du quartier du Marais de Paris ou encore de celui du vieux-Lyon.

Ill. 2. Quelques monuments classés emblématiques du patrimoine sarladais : la maison de la Boétie, la cathédrale Saint-Sacerdos, les Enfeus et la lanterne des Morts (cl. Annie Ouellet, 2015).

Pourtant, jusqu’au début des années 1950, Sarlat constituait un simple point de chute pour découvrir les lieux environnants, tels que la grotte de Lascaux (découverte en 1943 et ouverte au public en 1948) ou le château des Milandes (appartenant alors à Joséphine Baker).

Bien que le premier syndicat d’initiative sarladais ait été créé en 1923 et que la petite ville devienne une «station classée de tourisme» en 1943, il faudra attendre l’implication de trois hommes pour que le centre historique de Sarlat dans sa totalité, en tant qu’ensemble urbain, soit mis en valeur. Ces trois hommes, ce sont: Jacques Boissarie, sarladais féru de théâtre et président du syndicat d’initiatives à partir de 1950, Lucien de Maleville, peintre périgourdin et Délégué au recensement des Monuments historiques de Dordogne et enfin Henry de Ségogne, conseiller d’État pionnier de la protection du patrimoine culturel en France. Considérés comme des «précurseurs du développement du tourisme à Sarlat» (Bécheau, 2013: p. 38), ils créent en 1952 le festival des Jeux de théâtre, avec pour but de «donner vie aux vieilles pierres de la cité» (ibid.) Leur action en est double, à la fois de mise en patrimoine et en tourisme, alors qu’ils «font poser des écussons indiquant l’âge des constructions sur les bâtiments» et qu’«ils éditent la brochure Sarlat, nid de pierre et de verdure, contribuant ainsi à la promotion touristique» (ibid.) de la ville. Ce premier coup de projecteur suivi, dix ans plus tard, par l’établissement du secteur sauvegardé (Loi Malraux), a permis de consolider Sarlat en tant que destination.

La communication touristique de la ville est aujourd’hui principalement fondée sur la richesse de son patrimoine urbain, le cadre naturel environnant de qualité ainsi que les produits du terroir et la gastronomie (truffe, foie gras, etc.) La présence touristique est estimée à 1,3 à 2,2 millions (selon les sources mobilisées) chaque année, tandis que la mairie affirme que le tourisme représente 40% de l’économie en Périgord Noir.

Une ville touristifiée à fréquentation saisonnière

La saison touristique sarladaise dure d’avril à octobre, juillet et août étant les mois les plus populaires. L’activité commerciale du centre-ville s’adapte à la présence des touristes, de nombreux locaux commerciaux étant fermés hors saison. De plus, le début de l’été marque l’arrivée de nouvelles catégories d’habitants, soit les vendeurs ambulants, les travailleurs saisonniers du tourisme et les artistes de rue (Ouellet, 2017). Par ailleurs, afin de dynamiser la ville durant la saison hivernale, des événements ont été créés autour de la gastronomie (par exemple, la Fête de la Truffe (janvier) ou Fest’oie (mars)).

Ill. 3. Artistes de rue dans le centre ancien de Sarlat (cl. Annie Ouellet, 2015)

Ill. 4. La Place de la Liberté à Sarlat. À gauche: un après-midi de mars; à droite: une soirée d’août (cl. A. Ouellet, 2015)

Reprenant la typologie des lieux touristiques développée par les chercheur.e.s de l’Équipe MIT (2002), Sarlat constitue un cas de ville touristifiée. Le petit centre urbain, préexistant au développement touristique, est désormais subverti par le tourisme, celui-ci en étant devenu la fonction essentielle. Le centre ancien patrimonialisé concentre l’essentiel des flux touristiques. Toutefois, contrairement à d’autres villes touristifiées telles que Venise ou Bruges, où les touristes affluent toute l’année, l’activité touristique à Sarlat est fortement marquée par la saisonnalité. Ce contraste entre la haute et la basse saison rappelle ainsi certaines stations de bord de mer ou de montagne avec, entre autres, une présence importante des «saisonniers» (travailleurs saisonniers, mais aussi vendeurs ambulants, artistes de rue, etc.).

L’exemple sarladais permet de suggérer l’ajout d’une nuance au type «ville touristifiée», soit le degré de saisonnalité. Ainsi, les villes touristifiées à forte saisonnalité fonctionnent selon une dynamique cyclique, voyant se succéder des périodes de forte présence touristique où la densité est à son apogée et des périodes de «dormance» où les résidents permanents retrouvent une forme d’«entre-soi»… jusqu’à la prochaine saison touristique. Le rythme de la ville est ainsi calqué sur celui de l’activité touristique.

Annie OUELLET

Bibliographie

  • Bécheau Anne, 2013, Se souvenir de Sarlat: 150 ans de restauration. La Crèche, Geste Éditions, 160 p.
  • Équipe MIT, 2002, Tourismes 1: Lieux communs, Paris, Belin, coll. «Mappemonde», 320 p.
  • Ouellet Annie, 2017, Coprésence et rapports à l’espace dans les petites villes touristiques et patrimoniales. Lecture croisée de Dinan (Côtes-d’Armor) et Sarlat-la-Canéda (Dordogne). Thèse de doctorat en géographie, Université d’Angers, 418 p.