Plaisance

De toutes les activités nautiques, la plaisance est la plus considérable… La plaisance (ou navigation de plaisance) désigne les activités nautiques de loisir se pratiquant sur des bateaux propulsés à la voile et/ou au moteur, dont la conception privilégie le confort et la sécurité. Elle est l’héritière du yachting, pratique élitiste de la navigation récréative à voile, née en Angleterre au début du 19e siècle.

Elle mobilise principalement deux types d’embarcation: le voilier habitable et l’unité de motonautisme, cette dernière catégorie englobant des pratiques fort différentes (promenade en mer, pêche-plaisance, croisière, etc.). On a coutume de ne pas intégrer à cet ensemble les petites embarcations de type dériveur ou catamaran de plage, qui ne nécessitent pas de place à flot dans un port ou une zone de mouillage et relèvent, dans la sphère du nautisme, de la catégorie de la «voile légère» et non de la plaisance stricto sensu.

La plaisance, l’activité nautique la plus considérable

De toutes les activités nautiques, la plaisance est la plus considérable, à la fois par le nombre de pratiquants, par les flux financiers qu’elle induit, par la marque qu’elle imprime dans les paysages côtiers en raison des équipements qu’elle nécessite (ports de plaisance, cales de mise à l’eau, mouillages). Elle a connu au cours des cinquante dernières années un développement considérable, porté par l’essor des temps libres, l’engouement pour les loisirs de bord de mer et l’élargissement de la gamme de bateaux de plaisance. Ceux-ci nécessitant généralement des places à flot dans des structures portuaires, la géographie de la navigation de plaisance correspond peu ou prou à celle des ports de plaisance et des marinas.

La plaisance connaît une répartition très inégale à l’échelle mondiale. Elle est très présente dans les espaces côtiers anciennement ouverts aux pratiques touristiques: Méditerranée septentrionale, mer des Caraïbes, côtes de Floride, littoral californien, etc. Les pays d’Europe occidentale, les pays scandinaves et certains pays de l’Hémisphère sud (Australie, Nouvelle Zélande; Argentine et Uruguay autour du Río de la Plata…) connaissent eux aussi une intense activité plaisancière. La navigation de plaisance est également très présente sur certains plans d’eau intérieurs, comme les lacs naturels ou artificiels nord-américains. Par contre, la pratique reste encore peu développée en Afrique et en Asie, y compris dans les hauts lieux touristiques littoraux, à l’exception de quelques concentrations notables au sein de marinas luxueuses (Dubaï, Abu Dhabi, Séoul, Tanger…).

Photographie d'un port de plaisance

Port de plaisance de Marseille en décembre 2018 (cl. Nicolas Bernard)

Une pratique plus démocratisée en France

La France est l’un des pays au monde où la démocratisation de la pratique est la plus avancée. La flottille a connu ces dernières décennies une forte croissance: on l’estimait au début des années 1960 à 40.000 unités, à 158.000 dix ans plus tard, à 550.000 au début des années 1980, 775.000 en 1990 et environ 940.000 navires de plaisance immatriculés en 2010. Selon les données des Affaires maritimes, la flottille immatriculée a dépassé en 2020 le million d’unités.

Cette forte croissance s’explique par les très nombreux achats de ces dernières années, mais aussi par la longévité importante des navires de plaisance construits en matériaux composites, qui peut atteindre ou dépasser trente voire quarante années s’ils sont correctement entretenus.

Il est toutefois difficile d’estimer précisément l’importance de la flottille de navires de plaisance, car si la réglementation oblige tout propriétaire à déclarer son acquisition au Quartier des Affaires maritimes concerné, rien ne le contraint en retour à annuler cet enregistrement administratif lorsque le bateau n’est plus utilisé. Il se produit de ce fait un cumul des immatriculations. Des mises à jour de fichiers sont entreprises de temps à autre par l’administration des Affaires maritimes. Malgré cela, on sait que le volume reste gonflé d’une part inconnue de navires inutilisés, sans doute croissante avec le temps. La mise en place progressive d’une filière de «déconstruction» de bateaux de plaisance va probablement contribuer à corriger, à terme, cette évolution (voir, à ce sujet, Bernard, 2021). Les statistiques officielles doivent donc être minorées: le chiffre de 650.000 navires en état de naviguer est certainement plus proche de la réalité.

L’évolution de la flottille n’est pas la même selon que l’on considère les voiliers ou les bateaux à moteur. Ces derniers résistent mieux aux aléas du marché du nautisme. Ils représentent 75% du total des navires immatriculés.

La répartition régionale de la flottille de navires de plaisance montre le poids important représenté par la région Bretagne et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. A elles deux, elles rassemblent 500.000 unités, soit la moitié de la flottille nationale.

La répartition de la flottille selon le mode de propulsion principal traduit d’importantes différences interrégionales: si la part des navires à moteur s’établit à 75% de la flottille au niveau national, elle s’élève au-dessus de cette moyenne dans sept régions maritimes sur dix. Seules trois régions du Grand Ouest français sont sous ce seuil, en particulier la Bretagne avec seulement 64% de navires à moteur. Cette répartition dessine une géographie de la plaisance et des pratiques nautiques bien particulière: la navigation à voile, qui réclame certaines compétences techniques, est peu représentée dans les régions accueillant une forte proportion de clientèle extérieure à la région (ce qui est le cas de la région PACA, avec une large représentation d’usagers résidant dans la région parisienne). Le motonautisme, d’accès plus aisé, séduit finalement davantage une clientèle peu amarinée, dans son ensemble. A l’inverse, une région comme la Bretagne, où la culture maritime est très présente et où le réseau de centres nautiques est dense, se caractérise par une forte proportion de voiliers.

Photographie de bateaux de plaisance

Bateaux de plaisance à Loctudy (cl. Nicolas Bernard)

Quelles que soient les régions considérées, il faut noter une évolution des pratiques plaisancières, qui ne passent plus exclusivement par la possession du bateau pour un usage personnel ou familial: pour diverses raisons (financières, pratiques, sociales, environnementales…), le concept de «bateau partagé» s’affirme désormais sous différentes formes, qu’elles soient «classiques» (location, co-propriété) ou plus contemporaines (cobaturage, co-navigation).

Nicolas BERNARD

Bibliographie

  • Bernard Nicolas, 2021, «Déconstruction et bioconception des bateaux de plaisance: de nouveaux paradigmes pour l’industrie nautique française». Développement durable et territoires, vol.12, n° 2, juin, en ligne.