Voyage à forfait

Le droit européen organise une protection des voyageurs qui achètent des forfaits en imposant aux professionnels qui les délivrent, les agents de voyages, de fournir une garantie financière et de répondre de leur bonne exécution. Les clients sont protégés contre le risque de défaillance financière qui menacerait leur rapatriement ou leur remboursement. Et en cas de problème dans l’exécution du forfait, avant comme après le départ, l’agent de voyages est une sorte de guichet unique répondant de tous les intervenants impliqués dans le forfait. A l’heure où les voyageurs sont tentés de concocter eux-mêmes leur séjour par internet en achetant de manière séparée les différents services, il est important, pour les agents de voyages, de communiquer sur le régime protecteur attaché à la conclusion d’un contrat de voyage de forfait. Il est donc crucial de délimiter la notion de forfait, tâche désormais complexe à l’heure de la digitalisation du tourisme.

La directive Travel de 2015, transposée en 2017 dans le Code du tourisme, retient une définition plurielle et élargie du forfait pour tenir compte de l’implication des voyageurs dans sa conception sous l’influence des technologies numériques. Un forfait se définit par sa composition et son mode de composition. Signalons que les textes visent la «vente» de forfaits, ce qui en exclut les formules non rémunérées, tels les échanges scolaires en hôte gratuit.

Le voyage à forfait, un ensemble spécifique de services combinés

Premièrement, le forfait est la combinaison d’au moins 2 services de voyages différents pour un même voyage ou séjour et d’une durée supérieure à 24 heures ou incluant une nuitée; autrement dit, il s’agit d’un «package».  Il s’oppose donc à la prestation «sèche», isolée. Mais toute combinaison n’est pas un forfait. Elle doit porter sur un «service de voyage» qui peut être soit un transport de passagers, un hébergement (non résidentiel et non intégré au transport), une location de véhicule, soit un autre «service touristique» non intégré dans un service de voyage (tel l’accès à une activité ou une navette inclus dans l’hébergement ou le transport). Au sens large, le service touristique désigne une prestation de loisir. La formule vol  + hôtel est bien un forfait puisqu’elle combine 2 services de voyages. Mais si un seul service de voyage est combiné avec un service touristique comme précédemment (hôtel + cours de yoga), la qualification de forfait exige que le service touristique ait été acheté avant l’exécution du service de voyage et que sa valeur représente une part significative de la combinaison (25% du forfait) ou en constitue une caractéristique essentielle. Quant à la combinaison de 2 services touristiques sans service de voyage, elle n’est pas un forfait.

«Puisque les services de voyage peuvent se combiner de multiples et diverses façons, il y a lieu de considérer comme des forfaits toutes les combinaisons de services de voyage qui présentent des caractéristiques que les voyageurs associent habituellement aux forfaits»

Directive 2015/2302, consid. 8

À titre exceptionnel, la directive Travel soustrait de la règlementation protectrice des voyageurs certains forfaits: ceux résultant d’une convention-cadre entre un voyagiste et une entreprise pour organiser les voyages d’affaires de ses salariés ou collaborateurs et ceux proposés à titre occasionnel, dans un but lucratif, à un groupe limité de voyageurs. Allant au-delà de la directive, le droit français réserve également un sort particulier aux forfaits proposés par les associations organisant sur le territoire national des accueils collectifs de mineurs (ACM). Il les dispense d’immatriculation et donc d’avoir une garantie financière et une assurance de responsabilité. La dérogation n’existe plus en revanche si le séjour pour les mineurs est organisé hors du territoire métropolitain.

Le voyage à forfait, une notion en mutation sous l’influence du commerce en ligne

Deuxièmement, la combinaison du forfait peut être organisée selon divers procédés. D’une part, elle peut résulter d’un contrat unique conclu entre le voyageur et l’agent. C’est le forfait historiquement proposé par les agents de voyages tant sur catalogue (préconçu) que sur mesure (à la carte), voire dynamique à l’ère du digital (le voyageur assemble les services touristiques depuis le site ou la plateforme du voyagiste).

D’autre part, la combinaison peut résulter de contrats séparés dans deux situations. Soit c’est un critère formel qui déclenche la qualification de forfait: les services sont achetés auprès d’un seul point de vente (en ligne ou hors ligne), ou sont vendus à un prix tout compris (le «all inclusive» bien connu…) ou sous le terme «forfait». Soit c’est le critère de l’assemblage des contrats qui est retenu : les services sont achetés à des prestataires différents en un temps court grâce à des procédures de réservation en ligne liées (click through). Précisément, le voyageur réserve un premier service sur le site web d’un prestataire (hôtelier) le renvoyant vers le site d’un autre (loueur de voiture) et, dans les 24 heures, il conclut un contrat avec le second prestataire auquel le premier aura transmis ses coordonnées et les modalités de paiement. Le voyageur pouvant croire à l’unité globale de l’opération dont le premier prestataire est le pivot, la loi y voit un forfait avec le régime protecteur qui y est associé.

«Afin de permettre aux voyageurs et aux professionnels de tirer pleinement profit du marché intérieur, tout en assurant un niveau de protection élevé des consommateurs dans l’ensemble de l’Union, il est nécessaire de rapprocher davantage les législations des États membres relatives aux forfaits et aux prestations de voyage liées.»

Directive 2015/2302, consid. 6.

Notons que si la combinaison se fait dans les 24 heures de la réservation du service initial mais sans transmission des coordonnées personnelles et bancaires du voyageur du premier prestataire au second, ce n’est pas un forfait mais une «prestation de voyage liée»! Cette notion, créée en 2015 par le droit européen, vise un professionnel (tel un transporteur) qui se contente d’inciter à l’achat ciblé d’une prestation complémentaire (telle une nuitée) via des liens internet. Il n’est pas un «assembleur» comme dans le forfait clic through mais un «facilitateur» aidant le voyageur à réserver séparément auprès de divers prestataires. La différence de modèle commercial est difficile à saisir pour le voyageur qui utilise une plateforme ou un site de vente en ligne de prestations touristiques…

Delphine BAZIN-BEUST

Bibliographie

  • Directive 2015/2302 du 25 novembre 2020 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées: articles 2 et 3.
  • Code du tourisme: article L. 211-2.
  • Code de l’action sociale et des familles: art. L. 227-6, issu de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019.
  • CJCE, 11 février 1999, aff. C-237/97 CJUE, AFS Intercultural Programs Finland.
  • Bazin-Beust Delphine, «Les voyages à forfait après la directive Travel : quelle sécurité, pour quels voyageurs?», dans Transport et sécurité. LexisNexis, 2020, p. 375.
  • Coulon Cédric, 2019, «La responsabilité des agents de voyages, trente après : les bronzés font du tri», RCA. n° 2, dossier 10.
  • Lachièze Christophe, 2020, Droit du tourisme. Lexisnexis, 288 p.
  • Tissot Laurent, 2000, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la Suisse au XIXe siècle. Lausanne, Éditions Payot, 302 p.