Ville-station

Parmi les lieux touristiques, la station occupe une place de choix parfois excessive d’ailleurs: il est d’usage courant de désigner ainsi tout lieu fréquenté par des touristes (Vlès, 1999). Or parmi ceux-ci, les villes-stations constituent un cas particulier au sein de la typologie des lieux touristiques.

Une juxtaposition originale

Les villes-stations sont constituées par une station accolée comme un quartier à une ville. Alors que les stations au sens strict furent totalement inventées par les touristes à l’origine, ici une ville est déjà présente sur le site même. Cette particularité provient du fait que si globalement les littoraux constituent des marges pour la société, des ports les émaillent de loin en loin. De fait, l’économie est diversifiée incluant notamment la pêche et le commerce maritime. De même, s’il y a bien une saison touristique, au sens où les touristes ne sont pas présents toute l’année, mais se concentrent pendant l’été, les autres fonctions animent la ville pendant toute l’année.

Plusieurs exemples peuvent être convoqués comme Boulogne-sur-Mer, Dieppe ou les Sables d’Olonne, Nice ou Rio. Les facilités d’accès, à partir d’une ou plusieurs villes proches, constituées historiquement expliquent que ces lieux furent le théâtre d’une mise en tourisme précoce. Boulogne-sur-Mer peut ainsi s’enorgueillir d’abriter un établissement de bains de mer, créé par un Anglais, dès 1786. Également aux Sables d’Olonne, des baigneurs sont signalés dès 1816, plus parce qu’ils s’étaient jetés à l’eau dans le plus simple appareil, que par l’étrangeté de ce comportement avec le milieu, jusqu’à ce moment-là banni.

La différence avec la ville touristique vient de ce que les touristes s’installent dans un nouvel espace adossé, aux Sables d’Olonne (Ill. 1), ou juxtaposé au plus près de la plage, comme à Dieppe (Ill. 2) qui accueille un établissement de bains de mer en 1812, alors que dans la ville touristique le tourisme participe à l’animation du centre-ville. Dans la sous-préfecture vendéenne, l’implant touristique, avec ses villas cossues (Ill. 3), se distingue nettement de la vieille ville serrée le long de son port aux petites maisons de pêcheurs et aux rues étroites (Ill. 4). La rue de l’Enfer figure ainsi au Guinness des records comme la plus étroite au monde. Ce quartier balnéaire, est juxtaposé à la limite de la ville, tant et si bien qu’historiquement les touristes entrent dans la ville pour éprouver des frissons à la vue des autochtones perçus comme des sauvages.

Ill. 1. A gauche, sur la carte des Sables d’Olonne au début du 19e siècle, montre que la ville enveloppe le port sur son flanc sud, tandis que le bâti situé face à la mer est peu dense et en retrait par rapport au trait de côte. A gauche, en 1950, l’habitat touristique a été implanté face à la mer (source: Géorportail, seule l’échelle graphique demeure pertinente).

Ill. 2. A gauche, au milieu du 19e siècle, la ville accueille déjà un établissement de bains de mer, mais les remparts subsistent, séparant la ville de la plage. A droite, la carte de 1950 met en évidence un ensemble accolé à la ville mais qui tranche par son aménagement aéré, ses promenades et son agencement face à la mer pour en valoriser la vue (source: Géoportail, seule l’échelle graphique demeure pertinente).

Évolution vers une ville touristique

Le développement du tourisme et la diversification des pratiques dans des combinaisons de plus en plus variées a induit une évolution du fonctionnement du lieu vers celui d’une ville touristique au sens où les touristes fréquentent régulièrement l’ensemble du lieu. Ils ne restent plus cantonnés dans le quartier balnéaire et ne se contentent plus de quelques incursions.

Aujourd’hui, le tourisme est dans la ville des Sables d’Olonne. Des monuments, l’abbaye Sainte-Croix qui abrite notamment les œuvres du peintre Gaston Chaissac, voire des quartiers, sont intégrés à la découverte, comme le front d’eau du port constitué pour l’essentiel d’un alignement de restaurants et de commerces face aux bassins, et d’où il est proposé de s’embarquer pour des sorties en mer. Le front de mer a subi comme ailleurs une dynamique urbanistique, liée au maintien d’une fréquentation à un niveau élevé. Les immeubles ont remplacé les villas des années 1930 et celles qui ont subsisté concourent aujourd’hui à la fonction touristique suite à leur patrimonialisation (Ill. 5 et 6). Ainsi, un lieu fréquenté pour les bains de mer connaît une diversification par la découverte.

Rio de Janeiro constitue un autre exemple, mondialement connu. La ville, qui a été capitale du Brésil, s’est repliée sur l’État éponyme. Le lieu, au-delà de son site exceptionnel émaillé par les pains de sucre et dominé par le Corcovado, est surtout connu, par ses plages et ses quartiers balnéaire que sont Pocacabana, Ipanéma et Leblon, tandis que le centre historique, de petite dimension, est peu visité.

Ill. 3. Les Sables d’Olonne, vue du front de mer, villas qui ont échappé à la destruction et qui sont aujourd’hui patrimonialisées (cl. Philippe Violier, 5 novembre 2016).

Ill. 4. Les sables d’Olonne, maisons serrées du quartier adossé au port, en arrière-plan le quartier de la Chaume, également par le passé, peuplé par les pêcheurs (cl. Philippe Violier, 6 février 2020).

Ill. 5. Les Sables d’Olonne, vue du front de mer, lutrin face à un ensemble de villas (cl. Ph. Violier, 5 novembre 2016)

Ill. 6. Les Sables d’Olonne, vue du front de mer, gros plan du lutrin implanté face à un ensemble de villas (cl. Philippe Violier, 5 novembre 2016)

Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Vlès Vincent, 1999, Les stations touristiques. Paris, Economica, coll. «Poche: économie des services», 112 p.