Ville ou village touristique
La ville ou village touristique constitue un type de lieu (voir Lieux touristiques). La catégorie du tourisme urbain ne correspond pas à la ville. D’une part, la distinction entre ville et village, outre la dimension que nous abordons ci-dessous, passe à côté de l’essentiel, à savoir qu’il s’agit, en inscrivant les villes et les villages dans une même approche, de souligner la dimension essentielle de l’investissement par le tourisme d’un monde plein, anciennement occupé, intégré à la société. Il y a donc une opposition avec les marges que le tourisme va conquérir par des types de lieux spécifiques (stations et comptoirs) et va intégrer, de ce fait, à la société dans le temps long. D’autre part, les auteurs qui ont traité de la question du tourisme urbain n’ont pas établi de différenciation en son sein, en fonction des dimensions des lieux, de leur touristicité ou du poids du tourisme.
Caractéristiques
Comme le site, la ville ou le village touristique est un lieu historiquement constitué qui est investi par le tourisme à un moment de son histoire. Toutefois, la ville ou le village se différencie du site, à la fois par la densité et la diversité des individus et des activités humaines établies sur son territoire, et par la présence d’une société, l’habitant, tout au long de l’année. Elle se distingue aussi des villes touristiques particulières. Ainsi, à la différence de la ville touristifiée, elle demeure polyfonctionnelle. Par exemple, à Paris, les emplois dans le secteur dit touristique (en fait, selon la définition institutionnelle qui confond les différentes mobilités) représentent 15% du total selon l’Office de Tourisme.
L’affirmation du tourisme est en relation avec les fonctions anciennes. Notamment, le commandement, en particulier à l’échelle d’un État, a justifié la construction d’édifices monumentaux qui sont devenus des établissements touristiques, souvent en rupture avec le passé et avec parfois un changement de fonction. Le Louvre par exemple, autrefois palais royal a commencé à être constitué en musée à la fin du 18e siècle. Dans d’autres cas, à Buckingham Palace par exemple, l’ouverture au public est saisonnière. De même, contrairement à la ville-étape, l’ensemble des composantes du secteur sont présentes de l’hébergement aux animations, lieux de visites et autres festivals…
Mais aussi, le processus de métropolisation se poursuivant, les jeux du patrimoine et de la modernité participent de manière décisive au développement de la fréquentation et à sa pérennisation. Ainsi, une ville comme Shanghai rayonne autant par ses quartiers anciens, depuis le jardin Yuyuan et la vieille ville, en reconstruction permanente, jusqu’à l’alignement du Bund, composé des immeubles édifiés sous la domination européenne dans les années 1930, que par les bâtiments plantés autour de la place du Peuple (musée de Shanghai, opéra) et les tours de Pudong, quartier nouveau établi sur l’autre berge de la rivière Huangpu, affluent du Yangtsé.
La ville a été mise en tourisme par les touristes, dans la foulée du Grand Tour, forme de proto-tourisme par sa durée de plusieurs années et par les intentions qui guident les aristocrates et la gentry à la recherche des ruines de l’antiquité évoquées dans leurs parcours de formation et par la diversité des régimes politiques que l’Italie offre à leur sagacité. Il est ainsi peu aisé de dater de manière précise la touristicité des villes. Mais comme l’a révélé Claire Hancock dans sa thèse (1996), Paris est très tôt fréquentée, notamment par les Anglais qui y voient la ville du plaisir, antithèse de Londres (MIT, 2005). Le nombre de touristes y est tel que la capitale est, selon certains comme le souligne Claire Hancock (2003), menacée de destruction et de perte d‘authenticité, ce qui montre que le discours anti-touristique est aussi ancien que le tourisme (voir la citation dans Tourisme de masse). De son côté, Jean des Esseintes, le héros du roman À rebours, rédigé par Joris-Karl Huysmans (1884), parti de La Hay-Les-Roses, renonce à se rendre en Angleterre comme prévu, car jugeant avoir rencontré assez d’Anglais à Paris, le voyage est à ses yeux rendu inutile.
Des catégories
Il est possible de distinguer différentes catégories de sous-types. La première a trait à la taille de la ville, jusqu’au village. En effet, la hiérarchie urbaine peut se doubler d’une gradation touristique, et les deux peuvent être concordantes, ou pas. Les principales destinations dans le Monde sont des métropoles. Leur touristicité justifie notamment dans les catalogues des tour-opérateurs des séjours de découverte de plusieurs nuitées, voire d’une semaine, ce qui constitue une particularité comme forme spatiale au sein de la pratique de la découverte. À l’inverse, le village est de petite taille mais cette mesure varie selon les États. Dans les sociétés occidentales, le seuil est un nombre d’habitants toutefois variable (2000 en France, agglomérés au chef-lieu, 10.000 en Italie…). En Chine, la ville est plutôt une notion administrative et correspond au chef-lieu d’un département en France. De ce fait, le nombre des habitants peut être élevé et atteindre une dimension urbaine au sens de la densité des individus et de la variété des activités.
La seconde catégorie se réfère au fonctionnement du tourisme. Ainsi, dans les métropoles, une grande diversité d’objets touristiques se concentrent en privilégiant les centres. Ils constituent ce que Duhamel et Knafou (2007) ont qualifié de Central Tourists District (CTD), par référence au CBD, Central Business District, sans d’ailleurs que les deux centralités se superposent exactement. Cela n’exclut pas des secteurs situés en marge ou en périphérie, comme le monastère Novodievitchi situé au sud-ouest du centre de Moscou, classé par l’Unesco en 2004. Mais à l’inverse des villes de dimension plus restreinte sont, au contraire, pratiquement polarisées par un seul établissement de grande taille, comme Fontainebleau, ou deux ou trois comme Amboise, organisée autour de son château et du Clos Lucé.
Une troisième approche pourra distinguer les villes ou villages attachées à une pratique touristique bien déterminée des autres qui, au contraire, présentent un profil très diversifié. Ainsi, la renommée d’Aurillac va de pair avec son festival de théâtre de rue, alors que Londres, comme toutes les métropoles, cumule le shopping, le patrimoine matériel et immatériel, les musées, les festivals et les événements…
Une autre approche distinguera une catégorie particulière, celles des villes construites par le tourisme. En effet, Nice qui était une ville pauvre a bénéficié de l’implantation d’un quartier touristique grâce à la pratique de l’hivernage inventée notamment par les Britanniques à partir du milieu du 18e siècle. Ces débuts déjà prometteurs ont bénéficié d’une dynamisation lors du rattachement du Comté de Nice à la France en 1860 qui a amené des investissements. Progressivement elle est devenue la capitale de la Côte d’Azur. Puis, dans les années plus récentes, la ville est devenue une métropole au sein de laquelle le tourisme, toujours stratégique certes, puisque Nice figure juste après Paris dans les catalogues des tour-opérateurs du Monde, n’est plus qu’une fonction parmi d’autres (Violier et al., 2020).
Bibliographie
- Duhamel Philippe et Knafou Rémy, 2007, «Le fonctionnement de la centralité touristique de Paris», dans Saint-Julien Thérèse et Legoix Renaud (dir.), La métropole parisienne. Centralités, inégalités, proximités. Paris, Belin, coll. «Mappemonde», p. 39-64.
- Équipe MIT, 2005, Tourismes 2, moments de lieux. Paris, Belin, coll. «Mappemonde».
- Hancock Claire, 1996, Les représentations de la ville en France et en Angleterre: les exemples de Paris et Londres dans les guides et récits de voyage du XIXe siècle (vers 1780-vers 1870). Thèse Paris IV.
- Hancock Claire, 2003 (seconde édition), «Capitale du plaisir: The remaking of imperial Paris, Chapitre 4», dans Driver Félix et Gilbert David (dir.), Imperial Cities. Landscape, Display and Identity. Manchester et New-York, Manchester University Press, p. 64-74.
- Violier Philippe, Duhamel Philippe, Gay Jean-Christophe et Mondou Véronique, 2020, Le tourisme en France 2, approche régionale. Londres, Éditions ISTE.