Tour-opérateur

Les tour-opérateurs, ou voyagistes, sont des acteurs professionnels du tourisme qui élaborent des produits ou prestations pour leurs clientèles. Le mot français est d’usage moins courant que son équivalent francisé. À noter que le pluriel ne s’applique qu’au second mot, car le premier est un complément du second. Ces acteurs dont l’invention date du milieu du 19e siècle, sont devenus des acteurs sinon essentiels du moins qui comptent.

Des intermédiaires

Les TO sont des intermédiaires que les individus sollicitent lorsque l’altérité de la destination s’impose à leurs yeux. Ainsi, ils permettent aux personnes sans dispositions ou compétences, ou qu’ils estiment eux-mêmes insuffisantes (Guibert, 2016), d’accéder à des expériences et à des lieux qui leur seraient interdits sans leur intervention. Plutôt qu’un enfermement comme il leur est souvent reproché, ils offrent donc des ouvertures sur le monde. Ainsi, les premiers TO sont apparus en Europe au milieu du 19e siècle, et notamment Thomas Cook, qui inventa les voyages à forfait et le catalogue (Tissot, 2000). Au-delà le recours aux TO, à compétences égales, peut être un choix. La recherche d’une plus grande sécurité ou le manque de temps, voire la recherche de sociabilité, peuvent justifier aussi de solliciter un voyagiste.

Ce rôle est à l’origine d’une spécificité du secteur touristique. En effet, la concentration verticale est y réalisée à leur profit, alors que classiquement, c’est le segment situé en aval de la chaîne, proche des consommateurs qui tire son épingle du jeu (Cuvelier, 1998). Il semble cependant qu’il faille nuancer cette proposition. Selon Claude Pelloquin, aux États-Unis, ce sont bien les entreprises spécialisées dans la vente, donc les agences de voyage, qui pilotent.

Des degrés d’intégration très variables

Il existe des TO de toutes les tailles, depuis la TPE (très petite entreprise) jusqu’aux mastodontes, dont le géant TUI qui passe pour être le champion du monde. Les multinationales du secteur sont à la fois intégrés verticalement, maîtrisant tous les segments de la chaîne, depuis les agences qui vendent exclusivement leurs prestations, jusqu’aux clubs et comptoirs accueillant les touristes en passant par les compagnies aériennes, et horizontalement.

Procédant par croissance externe, ces géants se sont constitués progressivement en absorbant des concurrents plus petits. Ainsi, TUI a intégré notamment en 2002, le français Nouvelles Frontières créé par Jacques Maillot en 1970, puis Marmara en 2007, fondé en 1965, lorsque le leader allemand a absorbé First Choice, comprenant la marque depuis 2000. Le géant a tenté de réduire le trop grand nombre des marques, plus de 200 vers 2015, car cela limite les économies d’échelle. Cette volonté d’imposer le sigle du groupe s’est cependant heurtée à des résistances émanant des clients qui restent attachés au nom de l’opérateur qui les a accompagnés. Ainsi, à la devanture des agences TUI, les noms de Nouvelles Frontières et de Marmara n’ont pas disparu, ils ont été relativisés (Ill. 1).

Ill. 1. Façade d’une agence de Voyages du TO TUI.
Les marques Nouvelles Frontières, Club Lookea (à gauche en rouge) et Marmara (à droite de l’entrée en vert) sont bien visibles, preuve que l’intégration à marche forcée se heurte à des résistances (cl. Philippe Violier 25 juillet 2022).

Inversement, des micros TO prospèrent en se spécialisant sur des destinations ou des pratiques particulières. Ainsi, Marmara avait vu le jour comme spécialiste de la Turquie, puis s’était positionné dans des circuits et séjours de gamme moyenne, et de fait puisque le choix d’une marge réduite suppose des volumes de clientèle important, sur les destinations méridionales de la Méditerranée. L’irruption des technologies numériques a favorisé l’éclosion des TPE qui peuvent distribuer leurs propositions par Internet.

Cette mutation technologique a également entraîné un jeu de massacre avec la disparition de certains géants historiques, comme Kuoni qui avait tout juste fêté son centenaire en 2008 lorsque la faillite l’a rayé de la carte. Avec un portefeuille de plus de 200 marques, il a échoué à prendre le virage de l’innovation Internet et a sombré. Thomas Cook a connu le même sort en 2019.

Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Cuvelier Pascal, 1998, Anciennes et nouvelles formes de tourisme: une approche socio-économique. Paris, L’Harmattan, coll. «Tourismes et sociétés».
  • Guibert Christophe, 2016, «Les déterminants dispositionnels du “touriste pluriel”. Expériences, socialisations et contextes», SociologieS. en ligne.
  • Pelloquin Claude, 2010, «Regard sur les grands changements du “tour-operating” mondial«, Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat, École des sciences de la gestion, UQAM. 2007, en ligne, consulté le 16 juillet 2010.
  • Tissot Laurent, 2000, Naissance d’une industrie touristique, Les Anglais et la Suisse au XIXe siècle. Lausanne, Éditions Payot, 302 p.