Station-ville
La station est un lieu créé par et pour le tourisme. Mais après leur émergence, à partir du milieu du 19e siècle, certaines ont muté.
Un itinéraire vers la ville à économie diversifiée
Dans certains cas, l’afflux de population non touristique qui s’y implante n’est pas numériquement en capacité de renverser le statut du lieu. Ainsi, à Saint-Jean-de-Monts, l’installation à demeure de résidents âgés pour les plus nombreux ne remet pas en question la domination que le tourisme exerce, mais d’autres moteurs économiques, ici la résidentialisation, accueil de nouveaux résidents qui ne sont pas des touristes car ils s’installent à l’année ou pour une longue durée s’affirme. Mais le processus peut être plus affirmé. Plusieurs stations sont ainsi devenues des villes diversifiées, ou des quartiers urbains, au sens où la population et les fonctions économiques ne sont plus limitées par le tourisme. Elles ont muté devenant des communes de banlieue ou des quartiers urbains, elles ne sont plus guère fréquentées par les touristes, en témoigne la faible capacité d’hébergement, comme le rythme qui n’est plus caractérisé par la saisonnalité.
Cependant, la fonction qui les a vues naître ou se développer marque toujours leur dynamique de son empreinte. D’une part, la qualité du bâti d’origine touristique a fondé l’élection résidentielle de la part d’une population aisée. D’autre part, la promenade et la plage agrémente la vie des habitants, d’autant plus que le développement industriel au sud de l’agglomération a, par contre coup accru renforcé les aménités du quartier. Enfin, cela n’exclut pas totalement la présence d’habitants temporaires venus à la journée profiter de ces avantages.
Malo-les-Bains
Par exemple Malo-Les-Bains fondée par le député Gaspard Malo, ancien pêcheur devenu mareyeur avant d’entrer en politique en 1848, ne dispose plus que d’une capacité d’hébergement très limitée. Le fondateur de la station avait acheté 657 ha de dunes à la Ville de Dunkerque pour établir un domaine agricole. L’époque est peu férue en science pédologique, les sols foncés par la décomposition des épines des résineux font illusion, et devant l’échec le propriétaire décide de se convertir au tourisme. La réussite cette fois ouvre la voie à l’autonomie et la commune de Malo-Les-Bains est fondée en 1891. Les cartes postales anciennes révèlent un bel alignement de villas cossues en front de mer (Ill. 1), une partie d’entre elles ont passé le temps, un vaste casino, tandis que le plan en damier trahi le lotissement (Ill. 2).
Mais emportée par la vague du changement des pratiques, le passage au bain chaud et à l’esthétique du corps bronzé, la station perd ses touristes tandis que les résidents permanents affluent et conquièrent un habitat de grande qualité. En 1950, Malo compte 12.100 habitants et Dunkerque 21.100. La station est rattachée à la ville de Dunkerque en 1970. L’héritage touristique subsiste: plusieurs villas du front de mer, que le déclin de la fréquentation a conservé en l’état, continuent d’agrémenter la promenade réhabilitée.
Il est d’usage de mobiliser le terme «préservé» dès lors qu’un bâti a passé le temps, or celui-ci indique qu’une stratégie a été mise en œuvre pour assurer la conservation, il n’est donc pas du tout approprié à la réalité d’une patrimonialisation tardive et récente, venue fossiliser un front de mer d’une destination jusque récemment délaissée en raison de l’évolution de la norme sociale. Aujourd’hui, le lieu s’anime notamment pendant les week-ends du fait de l’afflux des citadins de l’agglomération, voire de la région. De ce fait, la réputation du quartier est un peu ternie par les difficultés de stationnement.
Sainte-Adresse
La même évolution a concerné Sainte-Adresse, demeurée commune autonome. Les prix de l’immobilier montrent un dispositif également inversé, le centre est plus accessible que la périphérie, là aussi marquée par son passé balnéaire. Les prix pour les appartements anciens s’y négocient à 3200 à 6000€ /m2, soit 50% plus élevés qu’au centre du Havre (2200 à 4000€ /m2), le journaliste précise que le Nice havrais constitue la «banlieue chic et chère» (L’Obs du 23 septembre 2021).
Dans l’ancienne station, puisque la carte de Cassini révèle un site originel de village blotti au fond d’une valleuse, à l’écart du rivage, Monet y a peint en 1867 Terrasse à Sainte-Adresse, Les régates à Sainte-Adresse et La plage de Sainte-Adresse.