Résidence secondaire

La résidence secondaire est un logement utilisé pour les week-ends ou les vacances. Sa caractéristique tient au fait qu’elle ne soit pas l’adresse de déclaration du foyer fiscal.

La France, terre de résidences secondaires

Une résidence secondaire est une unité d’hébergement à laquelle l’INSEE, en France, appose un ratio de 5 personnes par résidence. Au 2017, la France (hors Mayotte) compterait plus de 3,2 millions de résidences secondaires (Châtel et al., 2021). Selon le sociologue Jean Viard, c’est le pays au monde qui en a le plus par habitant (voir cet entretien du 2 juillet 2022), bien que le nombre de résidences secondaires dans le monde reste inconnu. Près de six résidences sur dix sont situées sur le littoral (40%) ou dans des territoires en altitude (16%) et les grandes villes n’en sont pas dépourvues (12%). La proportion de résidences secondaires peut représenter une part très majoritaire du parc total de logement dans certaines communes (Châtel et al., 2021).

La résidence secondaire est surtout une unité d’hébergement à utilisation alternative: dans le temps, puisqu’elle reste inutilisée pendant une partie de l’année, selon les dispositions de ses propriétaires (des absentéistes aux réguliers, selon la typologie de Bachimon, Dérioz et Vlès, 2017), et dans l’espace, en apparaissant comme l’espace du hors-quotidien (Moles et Rohmer, 1982). À la résidence secondaire est donc parfois associée par les acteurs touristiques l’idée de lits froids et de volets clos (Blondy, Vacher et Vye, 2016), puisque la location du logement durant l’absence des propriétaires n’est pas systématique et que l’utilisation du logement durant la période du hors saison n’est plus pertinente.

Des résidences secondaires partout?

La résidence secondaire semble s’acclimater partout. C’est qu’elle peut être acquise, acte qui en soi révèle un choix, mais on peut également en hériter. L’attachement aux racines, selon le terme consacré qui renvoie les individus à la condition de légume, conduit ainsi les familles à maintenir des liens anciens un peu partout. Toutefois, les densités sont inégales.

En fait, la répartition spatiale est d’abord révélatrice de la touristicité des lieux. Les plus fortes concentrations, et qui se renforcent, soulignent les littoraux, particulièrement les plus chauds, et les massifs montagnards les plus élevés, les plus pittoresques et les plus enneigés. Elle indique également la fonction ludique des campagnes périphériques des métropoles. Là, des dissymétries notables marquent une opposition entre les étendues dévolues aux cultures intensives, moins propices, à l’est de Paris par exemple, et les vallées pittoresques de l’ouest de la Normandie au Perche, plus recherchées pour la détente de fin de semaine et des vacances.

Mais ces auréoles sont agitées par une dynamique binaire (Violier et al., 2021 ). À l’intérieur, au contact du front urbain, les résidences secondaires reculent, happées par la croissance des villes. Elles deviennent des résidences principales. Vers l’extérieur, elles s’étendent et conquièrent de nouvelles campagnes (Ill. 1).

Ill.1. Évolution du nombre de résidences secondaires par commune en France hexagonale entre 1968 et 2017 (Réalisation: Véronique Mondou)

Au cœur des jeux d’acteurs

La résidence secondaire sert de fonds d’investissement de la part des collectivités locales et de la part des propriétaires. L’augmentation du nombre de résidences secondaires accompagne l’essor de l’assiette fiscale sur laquelle s’appuient les collectivités. Cet argument est repris depuis des décennies dès qu’un aléa risque de toucher des lieux urbanisés touristiquement, afin d’obtenir de l’action publique des investissements importants pour protéger des propriétés privées (Vincent, 2005). En France, les résidences secondaires restent redevables de la taxe d’habitation.

Pour les particuliers, la résidence secondaire est un repère familial, où plusieurs générations peuvent cohabiter durant les vacances et les week-ends, et un objet patrimonial à transmettre par héritage. Elle fait aussi l’objet d’investissement en espace de loisirs-travail (Perrot et La Soudière, 1998; Bachimon, 2018) et a été une aubaine pour beaucoup pendant les confinements dus au Covid-19 et aujourd’hui pour pratique le «télétravail».

L’absence du résident secondaire n’entraîne pas la disparition des enjeux autour de la résidence elle-même, puisqu’il faut prévoir sa sécurisation (par des sociétés privées ou des rondes de la gendarmerie) et son entretien, notamment avant l’arrivée des touristes (jardiniers, peintres, etc.). La résidence secondaire est donc une pierre angulaire des systèmes touristiques localisés (Vlès, 2015).

Les différences de niveau de vie peuvent être localement très marquées: la proportion de résidences secondaires détenues par des ménages aisés dépasse 45% dans certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des Alpes (Vanoise, Haute-Tarentaise, Briançonnais), à Belle-Île-en-Mer ou en Normandie (Pays d’Auge) (Châtel et al., 2021).

La possession d’une résidence secondaire entre dans un jeu de domination entre ceux et celles qui ont «réussi», notamment les gens du pays qui reviennent symboliquement en réalisant cet investissement (pour les cas les plus extrêmes, voir par exemple Barcelonnette, dans Homps, 1990), et les populations locales qui vivent de ce commerce, en tant qu’agents immobiliers ou ouvriers du bâtiment.

De par son originalité et dans le cadre des quartiers touristiques, le bâti dédié à la résidence secondaire peut également être inscrit dans un processus patrimonial général, à l’origine de circuits de visite (Arcachon, Saint-Valery-en-Caux, Ronce-les-Bains, etc.) avec l’émergence de l’idée d’un patrimoine balnéaire ou montagnard. Les plus riches peuvent se distinguer en achetant dans des quartiers dits anciens car patrimonialisés, comme dans le Point development de la métropole d’eThekwini (Folio, 2014) recherché par les Sud-Africains aisés, où les façades des demeures edwardiennes du début du 20e siècle sont réhabilités et le reste du bâti reconstruit à l’identique.

Le rapport de forces entre dominants allochtones et dominés autochtones peut également s’inverser à travers cette patrimonialisation, en obligeant les dominants propriétaires de résidences secondaires somptueuses à respecter des règles d’urbanisme édictées par les sociétés locales dominées, tant qu’elles restent maîtresses des pouvoirs locaux (d’un point de vue général, voir Pinçon et Pinçon-Charlot, 2007, ou Melot et Bransiecq, 2016).

Johan VINCENT et Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Bachimon Philippe, 2018, «De la banalisation de l’extraordinaire. La résidence secondaire du “pareil au même”», Bulletin de l’association de géographes français. vol. 95, n°4, en ligne.
  • Bachimon Philippe, Dérioz P et Vlès Vincent, 2017, «La résidence secondaire pyrénéenne en Cerdagne-Vicdessos, entre tourisme affinitaire et marché immobilier», dans Thomas Merle (dir.), Les espaces du tourisme et des loisirs. Paris, Atlande, p. 102-110.
  • Blondy Caroline, Vacher Luc et Vye Didier, 2016, «Les résidents secondaires, des acteurs essentiels des systèmes touristiques littoraux français? L’exemple de la Charente-Maritime», Territoire en mouvement. n°30, en ligne.
  • Châtel Frédéric, Cochez Nicolas et Bellefon Marie-Pierre de, 2021, «Deux résidences secondaires sur trois sont détenues par un ménage de 60 ans ou plus», INSEE Première. n°1871, 25 août, en ligne [pdf].
  • Folio Fabrice, 2014, «Patrimonialisation et (re)valorisation touristiques dans la métropole d’eThekwini (KwaZulu-Natal, Afrique du Sud): à la croisée des enjeux politiques et économiques», Cybergéo. en ligne.
  • Homps Hélène, 1990, «Les villas “mexicaines” de Barcelonnette (1860-1930)», Histoire de l’art. n°9-10, p. 99-107, en ligne.
  • Melot Romain et Bransiecq Maxence, 2016, «Règles d’urbanisme et choix politique: les observations de l’État sur les projets locaux», Revue d’économie régionale et urbaine. n°4, p. 767-798, en ligne.
  • Molès Abraham et Rohmer Elisabeth, 1982, Labyrinthes du vécu: l’espace, matière d’action. Paris, Médiriens, 183 p.
  • Perrot Martyne et La Soudière Martin de, «La résidence secondaire : un nouveau mode d’habiter la campagne?», Ruralia. n°2, en ligne.
  • Pinçon Michel et Pinçon-Charlot Monique, 2007, Les ghettos du Gotha. Comment la bourgeoisie défend ses espaces. Paris, Seuil, 304 p.
  • Vincent Johan, 2005, «La lutte du quartier de la Plage de Saint-Gilles-Croix-de-Vie contre l’érosion marine», Mer et littoral. avril-juin, p. 40-46.
  • Violier Philippe, Duhamel Philippe, Gay Jean-Christophe, Mondou Véronique, 2021, Le tourisme en France 1, approche globale. Londres, ISTE Editions, 273 p.