Port de plaisance
Le port de plaisance est un équipement voué à l’abri et au stationnement occasionnel, saisonnier ou annuel des bateaux de plaisance. A cette première fonction technique d’abri et de stationnement (le plus souvent à flot) s’en ajoutent d’autres: le port de plaisance est aussi un pôle touristique et récréatif, un lieu d’animation et de promenade, une base pour l’événementiel sportif, un espace commercial et de services…
Pourtant, il n’est pas défini par son domaine d’activité, pas plus que par la nature de ses équipements (port avec pontons, simple mouillage, stationnement à quai), le type de services mis à disposition des usagers ou la localisation du port (site fluvial, fluvio-maritime ou maritime). En fait, il répond en France à une définition juridique tenant compte de l’affectation d’une portion de l’espace littoral: il s’agit d’un équipement et d’un plan d’eau destinés à l’accueil des bateaux de plaisance par arrêté d’affectation. Dans les années 1960, certains ports de plaisance ont été réalisés en vertu de simples autorisations d’occupation temporaire du Domaine public ou sur la base d’autorisations d’outillage privé avec obligation de service public.
Les ports de plaisance, équipements structurants de l’espace littoral
Des ports privés ont ainsi vu le jour. En renforçant la spéculation et les réalisations immobilières, notamment sur des terrains gagnés sur la mer par concession d’endigage, ces réalisations ont soulevé le problème de l’appropriation de l’espace côtier. L’État ne voulant pas laisser le champ libre à l’occupation privative du domaine public, il interdit ces pratiques au début des années 1970. Ne souhaitant pas non plus prendre en charge la totalité des dépenses occasionnées par ces opérations, il a finalement adopté le régime de la concession, plusieurs fois amendé depuis. Il s’agit d’un contrat administratif dans lequel l’État confie à une personne morale de droit public, parfois de droit privé, la création, l’entretien et l’exploitation de structures portuaires. En contrepartie des charges qu’il doit assumer, le concessionnaire dispose d’un certain nombre de droits, notamment la possibilité de percevoir auprès des usagers une redevance pour le stationnement des bateaux. A l’expiration de la concession (quelques décennies), le concessionnaire est tenu de remettre aux pouvoirs publics les ouvrages dans un bon état d’entretien.
Le port de plaisance: un concept récent
Jusqu’au milieu des années 1960, il n’existait pas en France de structures lourdes réservées à l’accueil des navires de plaisance, au demeurant peu nombreux. Les bateaux stationnaient sur des mouillages individuels installés par les plaisanciers eux-mêmes. Dans le meilleur des cas, ils occupaient quelques postes d’amarrage dans les ports de pêche ou de commerce, où leur présence était tolérée. Mais peu à peu, pour répondre à une demande croissance en postes d’amarrage, la nécessité d’aménager des structures d’accueil réservées aux navires de plaisance s’est imposée. Certaines stations touristiques lancées au 19e siècle vont s’équiper d’un «bassin des yachts» pour recevoir les navires luxueux de la clientèle fortunée qui les fréquente (par exemple, à Deauville). Mais il faut attendre les années 1960 pour voir apparaître les ports de plaisance de conception moderne, ouverts à une clientèle élargie.
La France compte en 2021 plus de 260 ports de plaisance maritimes et 35 ports de plaisance fluviaux ayant une capacité d’accueil de plus de 100 bateaux. Ils offrent au total plus de 200.000 places à flot. Leur répartition est inégale sur le littoral français: la façade méditerranéenne concentre 45% de la capacité d’accueil totale, et la région Bretagne plus du quart. Le réseau portuaire français est l’un des mieux structurés au monde: les trois quarts des ports de plaisance maritimes et fluviaux sont regroupés au sein de la Fédération française des ports de plaisance, créée en 1979.
Depuis les lois de décentralisation de 1983, les communes sont devenues compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes affectés principalement à la plaisance, et elles sont libres de choisir le mode de gestion de leurs ports: exploitation en régie ou concession (Société d’économie mixte ou de droit privé, Chambre de commerce et d’industrie, association…), le gestionnaire de port de plaisance étant soumis à des obligations de service public.
Les ports de plaisance, équipements structurants de l’espace littoral, doivent désormais s’intégrer dans une gestion concertée et responsable des zones côtières, dans un souci de développement durable, en veillant à la qualité des eaux portuaires, au tri sélectif des déchets, à la récupération des produits de carénage, etc. Ils sont incités à s’inscrire dans la démarche «Ports propres» initiée par la Fédération française des ports de plaisance.
Des équipements caractérisés par leur site d’implantation
Les ports de plaisance peuvent être classés selon divers critères. Une classification s’appuyant sur le site d’implantation de l’équipement dans l’environnement côtier permet de distinguer quatre principaux types de ports:
- Tout d’abord, les ports en sites naturellement abrités. Ils sont implantés dans des secteurs présentant des qualités d’abri naturel, souvent en rivière ou en estuaire. De ce fait, les ouvrages de protection sont absents, ou se limitent à des pontons brise-clapot. Cela limite les coûts de réalisation et les effets dévastateurs sur le milieu côtier. Les aménagements terrestres sont souvent très réduits.
- Seconde catégorie: les ports réalisés dans des infrastructures préexistantes. Dans ce cas, la plaisance a remplacé partiellement ou totalement les activités portuaires traditionnelles (pêche, commerce, activités militaires), soit en raison de leur déclin, soit au contraire du fait de leur essor, qui a conduit à transférer ces activités dans des sites plus vastes et plus fonctionnels. La plaisance bénéficie des équipements préexistants (bassins, digues, quais…) et réclame seulement l’installation d’appontements, ce qui limite le coût du chantier. Le port de plaisance et la ville, au cœur de laquelle il s’insère, profitent mutuellement de l’animation que l’un et l’autre engendrent. Il bénéficie donc d’une situation exceptionnelle et d’un environnement historique et architectural souvent remarquable, même si le manque d’espaces techniques se fait souvent sentir.
- La troisième catégorie de ports est constituée par les équipements lourds réalisés en avant du trait de côte: il s’agit de ports très fonctionnels, créés spécialement pour la plaisance, dont la réalisation a entraîné une transformation profonde et définitive du site initial. Leur conception en projection sur la mer réclame la construction de digues de protection de grandes dimensions. Les dragages et déroctages imposés par la réalisation des bassins, ainsi que les remblaiements nécessaires à la constitution des terre-pleins occasionnent à la fois des coûts de construction élevés et des impacts considérables sur le milieu côtier.
- La dernière catégorie se compose des ports de très grande capacité d’accueil, réalisés en retrait du trait de côte, souvent sur d’anciens marais maritimes. Bien abrités, ils bénéficient en outre de larges espaces techniques et commerciaux. Dans certains cas, les ports sont conçus au cœur d’un vaste ensemble immobilier, dont la capacité d’hébergement atteint souvent plusieurs milliers de lits. Ces pôles touristiques littoraux composés d’un ensemble résidentiel enserrant un espace portuaire de plaisance sont appelés marinas. Ils sont particulièrement nombreux sur les côtes méditerranéennes.
Les créations ex nihilo de grands ports de plaisance ne sont pas forcément stoppées, même si elles sont aujourd’hui largement remises en cause: ces ports peuvent constituer ponctuellement un maillon indispensable sur une route de navigation mal équipée. Mais d’autres types de formules sont appelés à se développer pour répondre à la demande des propriétaires de navires de plaisance tout en respectant, autant que possible, l’environnement côtier et les autres usages du littoral: extension de ports existants, stockage à terre des bateaux au sein de ports à sec, stationnement des bateaux dans des zones de mouillage, reconversion de ports traditionnels à la plaisance ou requalification de friches portuaires en espaces nautiques. Cette reconversion ne doit pas être perçue comme un processus irréversible: il est bien difficile de prévoir les évolutions de l’économie maritime à moyen et long termes. L’ouverture des ports traditionnels à la plaisance n’est sans doute qu’une étape dans le cheminement long et complexe.
Bibliographie
- Bernard Nicolas, 2016, Géographie du nautisme. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 341 p.