Parc national

Un parc national est un territoire sur lequel la conservation de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l’atmosphère, des eaux et en général d’un milieu naturel présente un intérêt spécial. Afin de le préserver contre toute dégradation, il est soustrait à toute intervention artificielle susceptible d’en altérer l’aspect, la composition et l’évolution. La loi d’avril 2006 introduit les notions de «cœur» et d’«aire d’adhésion», nouvelles appellations respectivement pour la zone centrale et la zone périphérique, et prévoit, pour chaque parc, la mise en place d’une charte et d’un plan de préservation et d’aménagement conçu comme un projet de territoire (description des mesures de protection stricte dans le cœur et des aménagements autorisés dans l’aire d’adhésion).

Une lente gestation

La protection de la nature est une construction sociale qui s’effectue lorsque les hommes réalisent le risque de perte d’éléments auxquels ils accordent de la valeur et qu’ils souhaitent sauver, sans finalité économique. Cette menace envers la nature est perçue dans le monde occidental au milieu du 19e siècle. En 1857, un décret impérial soustrait, en France, 122 hectares autour du monastère de la Grande Chartreuse pour en conserver le cadre monumental vis-à-vis de l’exploitation forestière.

Les réserves artistiques de la forêt de Fontainebleau sont les premiers territoires protégés au monde pour des raisons de conservation de la nature, depuis le décret impérial du 13 avril 1861, soit trois ans avant le State Park du Yosemite et plus de dix ans avant la création du parc national de Yellowstone, aux États-Unis, mais après près de dix ans de négociations portées par les peintres de l’École de Barbizon. Cette forêt (Ill. 1) est même envisagée comme «parc national» en 1892, sans aboutir (le projet, relancé en 2009, a été abandonné à la fin des années 2010, notamment à cause de la nécessité de créer et faire accepter les principes du «cœur» du parc).

Ill. 1. Affiche de Fontainebleau, vantant autant le château que la forêt, fin 19e siècle (coll. BNF, cote EST ENT DN-1 (CAMIS/8))

Une première loi (loi Beauquier) institue en 1906 des commissions départementales de classement permettant la protection des sites pittoresques et des monuments naturels. Elle est rapidement instrumentalisée par les acteurs touristiques, qui y trouvent autant la possibilité de valoriser des monuments ou des lieux que l’outil idoine pour limiter l’évolution urbaine due à de nouvelles implantations (Vincent, 2013). Elle est reprise par la loi du 2 mai 1930 qui consacre les sites naturels inscrits et classés.

Membre du Club alpin français et du Touring-Club de France, E. A. Martel propose en 1913 un inventaire hétéroclite de 355 sites susceptibles d’être classés parcs nationaux, ceci pour les préserver des  dégâts» de l’industrie et du tourisme. Les associations jouent un rôle très actif: le Club alpin français, la Société des touristes du Dauphiné et le Touring-Club de France promeuvent le « spectacle de la nature » et la contemplation. L’émulation internationale est forte. La création du parc italien du Grand Paradis, en 1922, est utilisée comme argument pour générer un projet similaire côté français, en Vanoise (Laslaz et al., 2020: p. 18-19). Les parcs nationaux sont institués en France par la loi du 22 juillet 1960. Le premier parc national français, celui de la Vanoise, est créé en 1963.

Pour autant, tout «naturel» que ces territoires soient proclamés, leur distinction résulte bien d’une sélection et d’une élévation proprement sociétale. C’est bien dans la lignée de l’héritage romantique que les manifestations de la nature sublime sont jugées dignes d’intérêt tandis que les étendues plus planes ne figurent pas au panthéon. L’oubli de cette dimension, et la fétichisation, conduit à ignorer la présence de groupes sociaux qui vivent et s’accrochent à ces territoires. Régulièrement, à l’occasion de la réintroduction de bêtes sauvages notamment, ils se rappellent à nous et contestent la situation qui leur est faite.

Un dispositif très contraignant

La logique d’un parc national est la conservation et non la préservation. Un parc national se compose d’un cœur, inhabité ou faiblement peuplé, où une réglementation stricte protège les milieux (faune, flore, paysage), et d’une aire d’adhésion à la réglementation plus lâche (Ill. 2). Dans cette deuxième zone, les communes situées à l’intérieur d’un périmètre optimal fixé par le décret de création du parc adhèrent à la charte du parc. Dépendant du ministère en charge de l’Environnement, chaque parc est géré par un établissent public (Violier et al., 2021: p. 148-149).

Des réserves naturelles peuvent être associées aux deux «zones», comme forme de transition de l’une vers l’autre. Les parcs nationaux prévoient également la possibilité d’instaurer des réserves intégrales. Ces trois réserves intégrales, instaurées après une procédure lourde impliquant une validation par le conseil d’État, la plus haute juridiction nationale, ne permettent plus aucune activité humaine, dans une logique préservationniste.

Ill. 2. Carte de situation des parcs naturels en France en 2020. Sur les onze parcs nationaux français en 2022, sept sont montagnards et trois protègent des milieux littoraux. Neuf parcs marins et des parcs naturels régionaux complètent le dispositif (réalisation: Collectif, 2004-2015-2019. Carte de Jean-Benoît Bouron, Samuel Depraz et Pierre-Marie Georges, 2015-2020, extraite du glossaire de Géoconfluences, 2022).

Une relation ambiguë avec le tourisme

Les acteurs de la promotion touristique ont été particulièrement actifs pour parvenir à la création des parcs nationaux et pourtant, une certaine méfiance se pérennise sur les modalités d’exploitation des sites naturels.

Depuis les années 2000, c’est l’idée d’une «explosion de la fréquentation touristique» des sites naturels qui émeut les décisionnaires (expression figurant dans la lettre de mission du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en vue du rapport de Jean-Pierre Giran, Les parcs nationaux: une référence pour la France, une chance pour ses territoires, 2003, cité par Jolivet, 2020). Les parcs nationaux français ont été visités par 8,5 millions de personnes en 2018, soit quasiment un doublement de la fréquentation en une décennie. La recherche de nouvelles sources de financement est également posée, notamment auprès des visiteurs car, contrairement à d’autres pays (par exemple, les États-Unis), il n’existe pas de droits d’entrée dans les parcs naturels français.

Si l’accueil du public fait bien partie des dix missions d’un parc national promues par la fédération (missions 5 et 6), notons que les mots «touriste», «tourisme» ou même «visiteur», ne sont pas écrits sur la page dédiée du site Internet.

Johan VINCENT et Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Site Internet de la fédération des parcs nationaux: http://www.parcsnationaux.fr/fr.
  • Collectif, 2004-2015-2019, «Parc national en France, parc naturel régional (PNR)», Géoconfluences. en ligne.
  • Jolivet Simon, «Le tourisme dans les parcs nationaux  itinéraire d’une ambiguïté», Revue juridique de l’environnement. vol. 45, n°4, p. 667-671, en ligne.
  • Laslaz Lionel, Cadoret Anne et Milian Johan, 2020, Atlas des espaces protégés en France. Des territoires en partage? Paris, Muséum national d’histoire naturelle, 120 p.
  • Vincent Johan, 2013, «Origine des rapports complexes à la nature dans les stations balnéaires françaises», VertigO, la revue électronique en sciences de l’environnement. vol. 13, n°13, en ligne.
  • Violier Philippe, Duhamel Philippe, Gay Jean-Christophe et Mondou Véronique, 2021, Le tourisme en France 1, approche globale. Londres, ISTE Éditions, 273 p.