Menton

Petite ville de 30 000 habitants du littoral méditerranéen, Menton devient touristique au milieu du 19e siècle, quand elle est découverte par les Britanniques qui la fréquentent en hiver. Les deux guerres mondiales et l’évolution des pratiques touristiques ont profondément transformé son tourisme, alors que ses fonctions se diversifient par la forte influence de la principauté de Monaco.

Une mise en tourisme précoce

Ancienne localité monégasque qui se révolte contre le prince Florestan en 1848, elle ne reste sarde que douze ans, avant son rattachement à la France en 1860, avec le comté de Nice.

Installé à Menton durant 20 hivers à partir de 1859, le docteur James Henry Bennet (1816-1891) va lancer cette ville d’hiver en vantant son climat considéré comme exceptionnel (Ghersi, 2011) y compris pour la Côte d’Azur. Le docteur Brown mentionne en 1869: «À propos du climat de Menton […], il est difficilement contestable que c’est le plus doux de tous les endroits du sud de l’Europe pour la saison d’hiver». Dans sa Géographie universelle, Elisée Reclus déclare qu’il s’agit de la «perle de la France». Si le tourisme commence à se développer dans les années 1850, avec 300 familles d’hivernants en 1862, le processus s’accélère avec l’arrivée du chemin de fer en 1869.

La ville est en chantier durant plus de deux décennies. Elle se couvre d’hôtels et de pensions dans les années 1880: on en compte plus de 80 en 1913. Elle se dote aussi de villas, d’un port, d’une gare, de routes, de réseaux d’égouts, de jardins… Parmi les souffreteux qui séjournent à Menton et pour ne citer que les Britanniques, on trouve Robert Louis Stevenson, Thomas Carlyle et William Webb Ellis. Ce dernier, inventeur supposé du rugby, est enterré à Menton (Ill. 1).

La ville passe de 4 900 habitants en 1866 à 18 000 en 1911. La saison touristique dans cette station de villégiature internationale, emblématique de la Riviera, débute en octobre et se termine en mai. Annuellement, 20 000 touristes fréquentent les hôtels et les garnis avant la Première Guerre mondiale. Le bourg monégasque endormi s’est transformé en une ville touristifiée dont l’économie repose sur le tourisme.

Ill. 1. La tombe de William Webb Ellis (© J.-Ch. Gay, 2021)

Le temps des bouleversements

L’entre-deux-guerres va être une période de profondes transformations, avec la haute saison touristique qui bascule de l’hiver à l’été et la crise économique qui débute aux États-Unis en 1929. L’hiver devient la basse saison, ce qui explique la création, en 1931, de la fête du Citron, organisée en fin d’hiver pour relancer la fréquentation.

Les hôtels commencent à fermer car ils ne sont pas préparés à recevoir une clientèle plus jeune, moins riche, à la recherche de bains de mer et de soleil. De la trentaine d’établissements d’exception, peu survivent à la Deuxième Guerre mondiale. Les combats d’artillerie qui font rage en 1940 puis 1944 et l’occupation italienne, qui se traduit par des pillages, font de gros dégâts.

Le parc hôtelier est majoritairement reconverti en copropriétés, une décennie après Nice, les chambres étant transformées en appartements. Des organismes sociaux ou des caisses de retraite reprennent également certains hôtels.

Un nouveau dynamisme

En 1965, la municipalité construit la plage des Sablettes, au pied de la vieille ville, qui permet à Menton d’augmenter sensiblement son offre balnéaire. Deux ans plus tard est inauguré le port de plaisance de Menton-Garavan (Ill. 2).

Ill. 2. La vieille ville, la plage des Sablettes et le port de plaisance de Menton (© J.-Ch. Gay, 2018)

Le tourisme bénéficie de la proximité de la Principauté de Monaco, située à quelques kilomètres. Cette influence se remarque particulièrement lors des grands événements organisés dans le micro-État avec des hébergements marchands (1 100 chambres d’hôtels et plus de 1 000 lits en résidences de tourisme et villages de vacances) qui font le plein.

Les pratiques de découverte et l’augmentation de la mobilité expliquent également l’attrait actuel pour le patrimoine laissé par le tourisme de la Belle Époque, avec ses palaces et ses jardins (Val Rameh, Maria Serena, Fontana Rosa, Serres de la Madone…), qui font la renommée de la ville (Ill. 3). À cette mise en abyme du tourisme, se rajoute la vieille ville et la valorisation du citron. De tels atouts lui ont permis d’obtenir, en 1991, le label «Ville d’art et d’histoire».

Ill. 3. L’ancien hôtel Impérial et son parc (© J.-Ch. Gay, 2008)

Aujourd’hui, Menton est désormais une ville touristique, et non plus une ville touristifiée comme elle l’était il y a un siècle. À l’ombre de la Principauté, qui a créé 1 000 emplois par an ces 25 dernières années, la ville est devenue une banlieue du micro-État, puisque près d’un actif mentonnais sur deux y travaillent, quand bien même les tensions sur le marché immobilier et le niveau très élevé des prix limitent leur installation.

Avec seulement 9% de logements sociaux sur son territoire, la ville ne remplit pas les objectifs de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) et elle doit s’acquitter de pénalités financières, il faut dire que les terrains constructibles sont rares et accidentés. Le tourisme contribue à cette situation difficile puisqu’en 2018, les 12 500 de résidences secondaires représentaient 42,9% des logements qui sont largement entre les mains d’Italiens. Ces derniers animent le marché immobilier local et compliquent l’accès au logement des actifs. Ces difficultés sérieuses d’accès au logement placent Menton en «zone tendue», avec une surtaxe de la taxe d’habitation de 30% sur les résidences secondaires.

Jean-Christophe GAY

Bibliographie

  • Bottaro Alain, Hogu Nicolas, Kertenian Rémy, Monnier Yves, Mariotti Julie, Tricotti Josiane et Eisenlohr Michel, 2019, Menton, une ville de palaces. Les palais d’hiver de l’aristocratie internationale, 1860-1914. Arles, Honoré Clair, 305 p.
  • Caperan-Moreno Louis, 1980, Histoire de Menton. Menton, Annales de la Société d’art et d’histoire du Mentonnais, 141 p.
  • Ghersi Rolland, 2011, «James Henry Bennet, créateur de la station climatique de Menton», Recherches régionales. n° 197, p. 37-46, en ligne [pdf].
  • Négrel Geneviève, 2020, Menton, villégiatures sur la Riviera. Lyon, Lieux-Dits, coll. «Images du Patrimoine», 120 p.
  • Recherches régionales, 2011, n° 200 (Actes du colloque «Menton, une exception azuréenne ou 150 ans d’histoire du tourisme (1861-2011)»), 125 p., en ligne [pdf].