Loi Littoral

La loi Littoral du 3 janvier 1986 marque la volonté forte de maîtriser l’urbanisation du littoral dans ses nombreux aspects, même si des pans entiers de l’activité littorale lui échappent, par exemple la pêche et les ports. Le tourisme est pris en compte par la loi et donne lieu, comme les autres activités économiques concernées, à des débats sur l’application juridique de ce texte.

Un texte à portée réglementaire

Alors que le tourisme a constitué à partir de la fin du 18e siècle, et surtout après les années 1850, le vecteur d’un processus d’intégration à la société des marges jusque-là ignorée, pour l’essentiel, les ports exclus, un renversement de perspective s’opère dans les années 1970. La vision prométhéenne qui a prévalu cède la place au développement dit durable. La loi Littoral est une des premières manifestations en France du nouveau regard porté sur l’environnement.

Le vote de la loi Littoral correspond à une réponse juridique aux réflexions des années 1970 et 1980 sur le contrôle de l’urbanisation littorale. L’Espagne a une loi Littoral à l’époque, depuis 1969, mais la France propose des dispositions novatrices et volontaristes qui serviront d’ailleurs de modèle (pour l’Espagne avec une seconde loi Littoral en 1988 (Torres Alfosea, 2010). Elle permet d’accroître la protection du littoral déjà esquissée par une directive du 25 août 1979 (dite directive d’Ornano).

La loi Littoral a une portée plus réglementaire qu’opérationnelle. La vision du législateur y est exprimée en termes de police, de limitation et de délimitation plutôt qu’en termes de projets et de volonté publique. Le tourisme y est nommément évoqué, à la fin de l’article premier sur les objectifs et avec l’article 19 sur les ensembles touristiques. Des dispositions ailleurs dans le texte concernent la capacité d’accueil des espaces à protéger, le libre accès du public à la mer, l’aménagement ou l’ouverture de terrains de camping ou de caravanage, l’aménagement de nouvelles routes, la qualité des eaux, la gestion et la délimitation du domaine public maritime et fluvial, et des plages (Mesnard, 1997).

La loi Littoral s’applique à l’ensemble des communes littorales françaises, en métropole et départements d’outre-mer. Sont littorales les communes riveraines des mers, des océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieur d’une superficie supérieure à 1000 hectares (Annecy, par exemple, où la situation est tendue selon Alice Nikolli, 2022), et les communes riveraines des estuaires et deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salures des eaux.

L’application de la loi Littoral (articles L 146-1 et suivants du code de l’urbanisme) est progressive car les décrets d’application rencontrent des résistances (certains ne sont d’ailleurs toujours pas pris au début de 2020). Aucun des quatre grands principes d’interdiction de construire et de limitation de l’urbanisation (codifiés dans le code de l’urbanisme) n’échappe à l’impératif de précisions:

  • Comment interpréter la notion d’espace urbanisé (l’inconstructibilité de la fameuse bande des cent mètres ne s’appliquant pas dans les espaces déjà urbanisés)?
  • Qu’est-ce qu’une activité exigeant la proximité immédiate de l’eau?
  • Qu’est-ce qu’un espace dit remarquable du littoral?
  • Que faut-il entendre par «extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage» et par «extension en continuité de l’urbanisation»?

Son rôle dans le contrôle de l’urbanisation

La loi Littoral est principalement connue pour ses dispositions limitant l’extension de l’urbanisation. Sur le territoire des communes concernées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité ou en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Sur les espaces proches du rivage, l’extension doit être motivée dans les documents d’urbanisme par la configuration des lieux ou l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Sur la bande littorale des 100 mètres, les constructions sont interdites en dehors des espaces urbanisés.

Mais des urbanisations massives ont été arrêtées sur des espaces proches du rivage. L’arrêt du Conseil d’État «Commune de Gassin» de 1993 fait prendre conscience aux pouvoirs publics que la loi Littoral a une véritable force juridique, en annulant une zone d’aménagement concertée de plus de 40.000 m2 en presqu’île de Saint-Tropez. Et la délimitation d’espaces naturels remarquables, jointe à la politique d’acquisition de terrains par le Conservatoire du Littoral, a permis d’instaurer des sanctuaires verts sur les littoraux, comme les espaces naturels des Maures et de l’Estérel dans le Var (Calderaro, 2010).

Toutefois, si la Loi Littoral est, à partir du milieu des années 1990, mieux intégrée dans les documents d’urbanisme, des opérations, individuelles ou, parfois, collectives, violent certaines de ses dispositions. La limitation et l’encadrement des établissements de plage, possibles par un décret pris le 26 mai 2006, s’organisent très lentement. Plusieurs nouvelles lois contournent des dispositions de la loi Littoral. La loi «Urbanisme, habitat et construction», dite loi De Robien, contribue en 2003 à desserrer ce que certains considèrent comme un «carcan environnemental».

Il est clairement admis que les principes de la loi Littoral doivent être adaptés aux circonstances locales, notamment géographiques, dans les documents locaux de planification et d’urbanisme (identification des espaces remarquables, continuité de l’urbanisation, caractère limité dans les espaces proches du rivage). Dans cette optique, le discours juridique accorde la priorité aux PLU (incontournables sur le plan réglementaire) et aux SCOT littoraux. La loi ELAN (art. 42) fait de ces derniers des instruments pilotes dans la planification intégrée des zones côtières, en leur assignant officiellement la mission de préciser les modalités d’application de la loi Littoral. Reste que la tendance contemporaine à multiplier les documents de planification (SRADDET, DSF) ne contribue pas à simplifier (et donc à clarifier) la territorialisation de la norme juridique (Bordereaux, 2020).

Johan VINCENT

Bibliographie

  • Bordereaux Laurent, 2020, «Le littoral en quête de statut: les méandres du (des) droit(s)», Fonciers en débat. juillet, en ligne.
  • Calderaro Norbert, 2010, «La loi Littoral et le juge. Vingt ans de jurisprudence sur la façade méditerranéenne française», Méditerranée. n°115, p. 69-77, en ligne.
  • Nikolli Alice, 2022, «Le lac d’Annecy, entre images et réalités: approche géographique d’un espace convoité», Géoconfluences. mars, en ligne.
  • Mesnard André-Hubert, 1997, «Maîtrise du littoral et activités touristiques», Revue juridique de l’environnement. Hors-série, p. 45-51.
  • Torres Alfosea Francisco José, 2010, «Vingt ans d’application de la loi Littoral en Espagne. Un bilan mitigé», Méditerranée. n°115, p. 9-19, en ligne.