Garantie financière (des agents de voyages)
Selon une logique de protection des voyageurs, pour pouvoir exercer l’activité d’agent de voyages et proposer des forfaits touristiques, les professionnels doivent s’immatriculer à un registre tenu par une commission du groupement d’intérêt économique Atout France (Agence de développement touristique de la France), placé sous la tutelle du ministre chargé du tourisme. La procédure d’immatriculation conditionne l’accès à la profession d’agent de voyages à la justification d’une garantie financière. L’objectif du droit européen transposé dans le Code du tourisme est de donner au voyageur un interlocuteur solvable, le garant, apte à rembourser les paiements déjà effectués ou à financer la continuation du forfait, voire son rapatriement, au cas où son partenaire, l’agent de voyages, serait financièrement défaillant.
La demande d’immatriculation auprès d’Atout France, substituée à l’ancienne licence d’agent de voyages, suppose le respect de conditions qui doivent aussi être satisfaites à chaque demande de renouvellement tous les trois ans. Deux conditions sont exigées: celles relatives à l’aptitude professionnelle et à la moralité ayant été supprimées.
La garantie financière, une exigence légale pour l’immatriculation des opérateurs de voyages et de séjours établis en France
L’opérateur doit justifier, d’une part, d’une attestation de responsabilité civile. Elle couvre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle soit les dommages causés à sa clientèle, aux prestataires de services auquel il fait appel ou à des tiers. Puisque les agents de voyages détaillants et concepteurs de forfait sont, en droit français, responsables de la bonne exécution des services qui y sont inclus, l’enjeu est de taille. Les indemnités dues par l’opérateur reconnu responsable de son propre fait (information inexacte, mauvais conseil, etc.) ou du fait des prestataires qu’il fait intervenir (annulation de vol, accident sur le lieu du séjour, etc.) seront prises en charge par son assureur.
D’autre part, il doit fournir une garantie financière dont l’objectif est de protéger le voyageur contre le risque de son insolvabilité. Précisément, la directive Travel 2015/2302 transposée dans le Code du tourisme impose une garantie de remboursement et de rapatriement pour le cas où les services inclus dans un voyage à forfait ne pourraient pas être procurés en raison d’une insolvabilité. Concrètement, si du fait d’une défaillance financière de l’agent de voyages le départ est annulé ou un service ne peut plus être fourni, la garantie permet de rembourser les fonds reçus au titre des paiements effectués par les voyageurs. A certaines conditions, le remboursement peut être écarté au profit d’une prestation de remplacement (tel un report de destination, etc.). Si le forfait inclut un transport, elle permet d’assurer le rapatriement du voyageur et les frais de séjour raisonnables liés à son réacheminent.
Cette garantie a été mise en œuvre lors de la faillite de l’agence Thomas Cook en 2019. Pour les voyageurs confrontés à des rapatriements ou des remboursements consécutifs à des annulations du fait de l’épidémie de Covid-19, les choses sont compliquées car ce n’est pas l’insolvabilité des agents de voyages qui en est à l’origine…
Pour les professionnels européens qui ne s’établissent pas en France mais y exercent en libre prestation de service – en remplissant déjà dans leur pays d’établissement les conditions pour être opérateurs de voyages et séjours –, la Directive Travel pose un principe de reconnaissance mutuelle. Il oblige les états membres à reconnaitre la protection contre l’insolvabilité qu’un organisateur fournit conformément aux mesures de l’État membre où il est établi. En cas de doute, des éclaircissements peuvent être demandés à l’État membre de cet organisateur.
«Les États membres devraient veiller à ce que les voyageurs achetant un forfait soient totalement protégés contre l’insolvabilité de l’organisateur.»
Directive 2015/2302, consid. 39
La constitution et la mise en œuvre de la garantie financière
Le garant est soit un établissement de crédit ou une entreprise d’assurance, soit – plus fréquemment – un organisme de garantie collective disposant d’un fonds de garantie. Le plus connu est l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST), confrontée à des difficultés jamais atteintes avec la liquidation judiciaire de l’enseigne Thomas Cook précitée.
La Directive Travel n’impose la garantie financière qu’à l’organisateur du forfait alors que le droit français l’impose aussi au détaillant. C’est logique puisqu’en droit national, les deux sont responsables de la bonne exécution du forfait, au choix du voyageur. Mais sont dispensés de fournir une garantie financière les associations et organismes sans but lucratif appartenant à une fédération ou une union déclarée s’en portant garantes, telle l’UNAT (Union nationale des associations de tourisme). Là, les adhérents bénéficient de la garantie de l’institution dont ils relèvent. Les agents de voyages peuvent donc être des structures associatives, qui plus est bénéficiant de conditions dérogatoires par rapport aux agents de voyages commerçants. Ceci pose la question de la déloyauté de cette concurrence entre acteurs du tourisme.
La garantie doit être «suffisante» dans le sens où elle porte sur tous les fonds reçus de la clientèle finale au titre des forfaits. Son montant est un pourcentage du volume d’affaires réalisé annuellement par l’agent avec les voyageurs, avec un montant minimal de principe de 200.000 euros. Il peut être réévalué en cours d’année si une aggravation des risques survient ou si l’agent modifie son activité.
Si la garantie est activée pour organiser le rapatriement, le préfet intervient pour faire face à l’urgence. Si elle est invoquée par le voyageur pour être remboursé, il doit justifier par écrit de sa créance et de la défaillance de l’agent, soit par un dépôt de bilan, soit par une sommation de payer restée infructueuse pendant 45 jours. Le garant doit procéder au paiement dans les 3 mois. Mais si l’agent fait l’objet d’une procédure collective, les délais seront inévitablement allongés et si la somme des remboursements dépasse le montant de la garantie, les voyageurs ne récupéreront qu’une partie de leurs paiements.
Bibliographie
- Directive 2015/2302 du 25 novembre 2020 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées: articles 17 et 18.
- Code du tourisme: articles L. 211-18 II.
- Lachièze Christophe, 2020, Droit du tourisme, Lexisnexis, 288 p.
- Pellier Jean-Denis, 2020, «La garantie financière du code du tourisme ne bénéficie qu’aux consommateurs finaux», Dalloz actualité, 6 février.