France

La France est la première destination touristique dans le Monde, cocorico!

Une première place méritée?

Le classement établi à partir des données statistiques contestables de l’Organisation Mondiale du Tourisme propulse la France au 1er rang à partir de 1980, détrônant l’Italie (Dehoorne, 2003). Au-delà des débats sur une manière de compter plutôt largement puisque tous les individus en déplacement sont comptabilisés et ce dès qu’ils passent ou repassent une frontière, la France bénéficie de sa situation centrale au cœur d’une Europe occidentale prospère, condition sine qua non pour des déplacements nombreux, traversée par des flux allant du nord au sud, des pays économiquement avancés vers ceux qui bénéficient des avantages comparatifs du moment les plus prisés: les plages des mers chaudes. La mosaïque des territoires, propre à ce continent, mais aussi à d’autres comme l’Amérique centrale ou l’Asie du sud-est, aide beaucoup. En effet, un Américain ou un Chinois mal situés au centre de leurs pays respectifs doivent franchir des milliers de kilomètres pour s’en extirper, et l’étendue vaste offre plus d’opportunités aux individus de satisfaire leurs attentes, que ne le peuvent des États aux dimensions plus modestes.

De là, d’ailleurs, une part non négligeable de séjours courts, car un long périple oblige à des arrêts furtifs à mi-parcours, mais dans l’état de nos informations, il n’est pas possible de distinguer ce qui relève du transit, d’une pratique qui s’inscrit dans un court-séjour comme pour un Belge ou un Suisse passer un week-end à Paris. Ainsi, selon le Mémento du tourisme de la DGE (2018), les séjours d’une nuitée représentent pour 2017, près de 18% des déplacements des Européens, à comparer aux 6% des non-Européens.

Au-delà, la France, en Europe, offre des opportunités

Si la première place est discutable, résulte d’un heureux hasard, néanmoins des individus choisissent de passer leurs vacances en France en raison de qualités réelles. Précisons tout d’abord, que nous traitons ici de la France en Europe, expression qui distingue la France d’Outre-Mer, traitée par ailleurs – et que l’OMT compte également à part, et qui évite de mobiliser des mots discutables et d’un autre âge comme «métropole» qui renvoie à la période colonialiste et « hexagone » qui dit le pays parfait et qui a été inventée sous la Troisième République, afin de préparer les esprit à la revanche au même titre que la panoplie des héros, et héroïnes, nationaux.

Premièrement, la France en Europe n’est pas trop mal lotie en matière d’objets donnés, nous entendons par là, non construits par l’homme. Elle dispose de côtes relativement chaudes pendant la période estivale mais également de massifs de montagne, dont les plus élevés offrent des conditions idéales pour les pratiques estivales (contemplation, randonnées, escalade) comme hivernales (glisse en tout genre), affirmées dès la fin du 19e siècle et renforcées avec l’avènement du ski avant la Première Guerre mondiale, et devenue dominante à partir des années 1970.

Ensuite, le passé a produit des monuments connus dans le Monde, en Chine la Tour-Eiffel, le Mont Saint-Michel, notamment sont souvent convoqués pour illustrer les calendriers. Certains, comme le Louvre, ont changé de fonction sans perdre de leur éclat. Le palais est devenu ainsi le musée le plus fréquenté. La production culturelle a ajouté sa touche, comme bien sûr dans d’autres pays d’Europe et du Monde.

Mais tout cela est dû à des acteurs, dont les touristes qui furent les premiers, historiquement, à s’engager, et qui suscitèrent des innovations émanant d’entrepreneurs, qui ont vite bénéficié d’un soutien des pouvoirs publics. Ainsi, le pays s’est très tôt préoccupé de sa promotion touristique, notamment en créant un office national dès 1910 (Violier et al., 2021a). Et pourtant, la littérature méprisante et dénigrante vis-à-vis du tourisme, spécialement en France ne manque pas, noblesse oblige (D’Iribarne, 2009).

Mais toute la France n’est pas touristique

Contrairement aux discours des politiques, et surtout ceux émanant des territoires un peu délaissés, tout le pays n’est pas touristique (Violier et al., 2021b). Si des individus non-résidents peuvent être repérés presque partout, certains sont rapidement qualifiés de touristes, grâce à une définition attrape tout, alors qu’il ne s’agit que de personnes qui rendent visite à leurs familles et amis, ou qui rentrent à la maison pour le week-end. D’autres sont de passage, au sens où il faut bien passer par nulle part pour faire jonction entre deux régions très touristiques. Il est donc des disparités, et si, ici ou là, des acteurs cherchent, pourquoi pas, à mettre en tourisme tel ou tel lieu, c’est justement parce que le tourisme «transforme [mieux que les moutons] le sable en or».

Ces disparités ne constituent pas un déséquilibre comme se plaisent à le souligner les égalitaristes de tout poil, car l’équilibre n’existe pas en matière de géographie (Brunet, 1994, voir la citation ci-dessous), ni une inégalité, terme qui relève des sciences politiques, ce pourquoi nous utilisons le terme de disparités. Les différents degrés de touristicité renvoient à des conditions objectivables de jeux d’acteurs qui se saisissent d’objets construits ou donnés pour les mettre en tourisme et permettent d’identifier des régions touristiques en France.

Les «penseurs de l’équilibre»

Ils ne savent pas que le territoire d’un pays n’est pas un papier quadrillé, mais un espace géographique, et que l’espace géographique n’est jamais homogène. Ils n’ont pas compris que l’égalité apparente dans la répartition des personnes et des choses sur un territoire serait une inégalité de fait, compte tenu de l’inégalité des ressources; que c’est elle qui serait la marque d’un désordre, et non l’inverse.

Roger Brunet, 1994

Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Brunet Roger, 1994, La France, un territoire à ménager. Paris, Édition 1.
  • Dehoorne Olivier, 2003, «Le monde du tourisme», dans Stock Mathis (dir.), Le tourisme. Acteurs, lieux et enjeux. Paris, Éditions Belin, coll. «Sup Géographie», p. 117-169
  • D’Iribarne Philippe, 2009, L’Étrangeté française. Paris, Le Seuil, coll. «La couleur des idées», 289 pages
  • Violier Philippe, Duhamel Philippe, Gay Jean-Christophe, Mondou Véronique, 2021a, Le tourisme en France. Volume 1: approche globale. Londres, ISTE Editions, 288 p.
  • Violier Philippe, Duhamel Philippe, Gay Jean-Christophe, Mondou Véronique, 2021b, Le tourisme en France. Volume 2: approche régionale. Londres, ISTE Editions, 232 p.