Covid-19
La Covid-19 est une maladie à coronavirus responsable d’un syndrome aigu sévère (SRAS). Il a émergé en Chine fin 2019 et un premier confinement mondial s’est mis en place au printemps 2020. Les prescriptions médicales portaient sur immobilité et la non-proximité. Dès lors, le tourisme a été concerné au premier chef par cette pandémie. Si la COVID-19 est bien une crise sanitaire mondiale, une première dans l’histoire du monde contemporain, elle n’est pas à proprement parler une crise du tourisme comme certains ont eu la volonté de le dire même si les effets sur cette activité ont été très puissants.
Une pandémie qui a durement affecté le tourisme
La pandémie de la Covid-19 a d’abord eu des effets sur les mobilités touristiques, notamment internationales. Le Monde a alors connu la plus forte chute du nombre des voyages depuis la Seconde Guerre mondiale. La croissance jusque-là était inexorable, malgré quelques diminutions ou paliers qui avaient bien émaillé la progression d’une courbe devenue progressivement exponentielle avec le 21e siècle. À la suite des attentats de septembre 2001, de l’épidémie de SRAS intervenue en 2002-2003, ou MERS en 2005, des fléchissements ont ainsi été observés. Cependant, la chute n’a jamais été aussi marquée, ni aussi généralisée, toutes les régions du Monde furent concernées (Ill. 1).
La crise frappe aussi par sa durée, à la date de la publication de cette rubrique (fin septembre 2022), il n’est pas de mise de la déclarer achevée, même si le Secrétaire général de l’OMS évoque le «bout du tunnel» à l’automne 2022, au moment où une huitième vague est évoquée pour la France et l’accès à la Chine reste fermé.
Des discours débridés
Cette pandémie a été l’occasion de nombreux discours et affirmation peu fondés révélant encore et toujours une forme d’anti-tourisme qui s’exprime au moindre soubresaut de cette activité. Ainsi, Michel Maffessoli a déclaré sa satisfaction d’assister à la fin du tourisme et au retour aux voyages d’antan (2020), tandis que Philippe Bourdeau (2020) voit ses visions antitouristiques enfin corroborées.
En vidant les lieux touristiques et en clouant les avions au sol, la crise sanitaire a mis en œuvre une partie du programme de l’antitourisme. La crise économique annoncée parachèvera-t-elle cette décroissance et permettra-t-elle l’avènement d’un après-tourisme fondé sur des alternatives au tourisme (loisirs, développement personnel, engagement associatif…) ? Tout dépendra de la façon dont se feront les arbitrages politiques, selon qu’ils privilégient une transition soutenable ou un consumérisme ne remettant pas en cause les modes de vie des plus nantis.
Philippe Bourdeau dans Espaces n°355, juillet-août 2020
Dans un registre moins délirant, des analystes nous annonce la progression de la proximité comme destination, alors que c’est une réalité ancienne et persistante pour une bonne partie des individus, les uns par choix, les autres en raison des contraintes économiques. Ce fut aussi l’occasion d’évoquer un «tourisme d’après» en écho à un «mode d’après», considérant que cette crise allait rebattre en profondeur les cartes. Finalement, tout est revenu ou revient comme avant ou presque et si des modifications s’observent, elles apparaissent davantage comme des accélérations de tendance que des nouveautés radicales. Le télétravail en est un exemple intéressant… En cela, il risque de modifier la dynamique d’un certain nombre de destinations touristiques où le nombre de résidents actifs a déjà augmenté ou va progresser.
En fait, la Covid-19 a imposé une démondialisation, un retour au cloisonnement aux frontières, mais chaque accalmie, notamment pendant les périodes estivales, tant en 2020 qu’en 2021, moins propices à la diffusion d’un virus qui préfère le froid, a été caractérisé par une reprise du tourisme. De plus, dans une enquête qualitative consacrée à ce sujet (Frochot et al., 2022), les individus interrogés proclament leur volonté de reprendre le cours de leurs aventures touristiques dès que possible. Certains même ont profité des opportunités pour s’échapper, en Sardaigne par exemple en 2021. Aujourd’hui, après deux années de partielles immobilités ou d’assignation à pays de résidence, les mobilités internationales ont repris fortement avec des commandes de voyages à l’étranger très soutenues. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a ajouté ses effets mais qui, de fait, sont plus limités. Le tourisme affirme donc sa résilience. En effet, cette pratique a un sens dans la civilisation industrielle (Violier, 2022) mais s’il n’est pas prêt de mourir, il peut encore changer et s’engager dans une nouvelle révolution (Violier et al., 2016; Knafou, 2021).
La relance d’un débat sur le tourisme soutenable
Pour autant, l’affaiblissement (puisqu’on en peut encore évoquer sa fin) de la pandémie a renforcé le questionnement sur l’avenir du tourisme dans la perspective du réchauffement climatique. Le moment a été saisi pour relancer un débat en cours.
Philippe VIOLIER et Philippe DUHAMEL
Bibliographie
- Bourdeau Philippe, 2020, Espaces, Tourisme et Loisirs. n°355, p. 69-72.
- Frochot Isabelle, Bates Samuel, Mondou Véronique et Violier Philippe, avec la participation de Christophe Gay et Anne Fuzier, 2022, «L’après covid-19 a un air de ressemblance troublant avec l’avant», Espaces, Tourisme et Loisirs. n° 367, juillet-août, p. 16-21
- Knafou Rémy, 2021, Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le Monde. Paris, Éditions du faubourg, coll. «Essais», 128 p.
- Maffesoli Michel, 2020, «Le tourisme moderne est mort. Vive le tourisme postmoderne!», Espaces, Tourisme et Loisirs. n°355, p. 52 à 56.
- Violier Philippe, Clergeau Cécile, Duhamel Philippe et Guibert Christophe, 2016, «La Troisième Révolution touristique», Mondes du tourisme. hors-série, n°12.
- Violier Philippe, 2022, «Pourquoi il faut prendre le tourisme et les touristes au sérieux», Espaces, Tourisme et Loisirs. n°367, juillet-août, p. 10-14.