Circuit, boucle
Le circuit (Violier, 2017) et la boucle (Sacareau, 2000) sont des réseaux de lieux, nommés étapes, habités successivement par les touristes au cours de leur mobilités secondes, par rapport à celle qu’on qualifiera de princeps, laquelle consiste en un déplacement jusqu’à l’espace représenté comme touristique par les individus. Alors qu’arrivés à destination ils pourront passer du temps, pour y accéder ils n’hésiteront pas recourir à des moyens de transport efficaces et rapides. De même, deux étapes éloignées l’une de l’autre seront reliées en train rapide ou avion, provoquant un effet tunnel.
Le circuit ou la boucle comme réseau de lieux
Le réseau est constitué par une circulation des individus qui unit de manière fugace les lieux entre eux. Le plus souvent, les circuits impliquent un changement quotidien de lieux, même s’il arrive que la densité d’objets touristiques dans un lieu justifie d’y faire étape plusieurs nuits. À l’extrême d’ailleurs, les métropoles touristiques peuvent être fréquentées dans le cadre de séjours et non plus de circuit.
Il arrive également que des lieux soient intégrés dans le cadre d’excursions, soit des déplacements à la journée n’impliquant pas de nuit passée dans ces endroits complémentaires. Les agences réceptives parisiennes proposent ainsi aux groupes de touristes étrangers de visiter les châteaux de la Loire, soit ceux de Chambord et de Chenonceau, avec un arrêt devant celui d’Amboise, également le temps d’une journée. Versailles est aussi intégrée dans les pratiques de visite à Paris comme une échappée à partir de la capitale. Les touristes sont ainsi qualifiés «de passage» alors qu’ils s’inscrivent dans la durée mais dans un espace, et non dans un lieu.
Mais le caractère répétitif au sein du système touristique lui confère une permanence systémique, car la sélection des lieux s’opère en fonction de valeurs partagées par les individus d’une même société. Au-delà, les différentes sociétés humaines, en raison de l’attraction sociale que des lieux emblématiques exercent, partagent un répertoire de lieux que tous les individus appartenant aux différents mondes souhaitent visiter un jour, ne serait-ce qu’une fois. Ce sont les hauts lieux du tourisme à valeur, ou mondialité universelle. L’analyse des catalogues des tour-opérateurs des différents mondes permet ainsi d’identifier des types de lieux et des lieux singuliers dans chaque monde (voir par exemple au sujet de la Chine, Taunay et Violier, 2015; Violier et Taunay, 2019). Ainsi, en Amérique du Nord, l’analyse fréquentielle des lieux cités dans les catalogues classe en premier les métropoles, en raison de leur modernité, et notamment New York, et en second les lieux biophysiques comme les chutes du Niagara ou les parcs naturels de l’Ouest.
Différents modes de transport peuvent être mobilisés, pour franchir les distances entre les étapes, avion, train, bateau (croisières), voiture (auto tour), comme pour se déplacer au sein des lieux retenus, à l’exception de l’avion bien sûr.
Une forme spatiale de la découverte
La découverte mobilise des lieux types (au sens d’idéal typique) particuliers et notamment les villes et villages touristiques, mais aussi les sites. Car la découverte touristique consiste en une visite par des individus de lieux emblématiques d’une société, la sienne ou celle d’un Autre. Il s’agit donc d’un monde plein, dans l’actualité avec les productions de la modernité, ou dans le passé. La pratique peut aussi sous cette forme concerner des monuments biophysiques. Ainsi, un circuit en Amérique du Nord-Est inclut généralement une étape aux chutes du Niagara, tandis que les boucles à l’Ouest relient ensembles des villes, comme Los Angeles, San Francisco et Las Vegas, et des parcs naturels.
En général, dans les propositions des tour-opérateurs, un circuit tend à s’intégrer dans un territoire national, ou une des régions, mais d’autres, moins nombreuses transcendent les frontières nationales pour s’étendre sur plusieurs États.
Mais aussi de l’engagement du corps
Toutefois, le circuit n’est pas l’apanage de la découverte, il est aussi très pratiqué dans les activités qui engagent le corps. Dans ce cas, le vocable de randonnée est plus souvent mobilisé pour une palette large de différents modes de déplacement: à pied, à cheval, en vélo…
Les pratiques fonctionnent généralement en combinaison, aussi il est parfois systématique de les associer à une forme spatiale. Et même certaines en associent plusieurs dans un mixte au sein duquel la distinction a peu de sens. Ainsi, le trekking mêle l’activité physique, la marche, à la découverte des sociétés montagnarde et à la contemplation des paysages.
Bibliographie
- Sacareau Isabelle, 2000, «Mise en tourisme et dynamique spatiale au Népal», Mappemonde. n°58, p. 12-16.
- Taunay Benjamin et Violier Philippe, 2015, «Un modèle chinois des pratiques touristiques? Analyse des spécificités et des invariants au niveau des pratiques et des lieux fréquentés par les touristes chinois et internationaux en Chine», dans Sacareau Isabelle, Taunay Benjamin et Peyvel Emmanuelle (dir.), La mondialisation du tourisme. Les nouvelles frontières d’une pratique. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. «Espaces et Territoires», p. 99-116.
- Violier Philippe, 2017, «Comment les individus habitent-ils touristiquement le monde?», dans Fagnoni Edith (dir.), Les espaces du tourisme et des loisirs. Paris, Armand Colin, coll. «Horizon», p. 89-99.
- Violier Philippe et Taunay Benjamin, 2019, Les lieux touristiques du Monde. De la mondialisation à la mondialité. Londres, ISTE Editions, 322 p.