Capacité d’accueil

La capacité d’accueil touristique est un indicateur construit empiriquement. Par facilité, elle correspond au nombre de lits touristiques en hébergement marchand et en hébergement non marchand disponible dans le cadre d’une nuitée. Mais elle est progressivement devenue le niveau de fréquentation qu’un site peut supporter sans que ses qualités ne se détériorent, ce qui en fait un outil subjectif et politique sous des abords scientifiques.

Une évaluation de la capacité d’accueil problématique

Le mot «capacité» est défini par Roger Brunet (1993) comme une quantité de matière ou de personnes qui peut être produite, contenue ou véhiculée par une machine, une fabrique, une voie, un courant. La notion est appliquée selon le même principe à l’accueil des touristes, non sans difficulté, à moins de s’arrêter au nombre de lits touristiques alors qu’il faut la distinguer de la capacité d’hébergement. Une circulaire du 22 octobre 1992 précisait que la capacité d’accueil résultait «d’une appréciation des possibilités d’urbanisation des unités de territoire» (Pinault, 1997). Ce n’est pas sans rappeler les normes d’accueil des établissements recevant du public (ERP) où, à chaque surface correspond un nombre déterminé de personnes selon son usage (pour un exemple de calcul des effectifs des ERP, y compris les espaces touristiques, voir le Guide pratique du DST).

L’évaluation de la capacité d’accueil reste problématique. Le droit est loin de fournir une définition précise de ce qu’il faut entendre par capacité d’accueil et les critères d’appréciation restent mal définis. Cette notion, qui apparaît officiellement dans la loi Littoral (L. 146-2), fait l’objet de peu d’études transversales évaluant simultanément les coûts en aménagements, en équipements collectifs, en services publics de l’accueil supplémentaires de populations et d’activités (Pottier et al., 2007). L’idée de déterminer la capacité d’accueil est pourtant relativement ancienne, puisqu’elle est déjà présente dans les questionnements des ingénieurs des années 1960 pour déterminer la taille des équipements lourds (Falque, 1969).

Elle soulève notamment la question de l’appréciation de la fréquentation touristique, dont la connaissance est faible, en dehors de quelques enquêtes ponctuelles ou d’estimations approximatives (voir Statistiques). L’hébergement non marchand peut devenir marchand, et inversement, au gré des intentions des propriétaires, ce qui complique le suivi des différentes catégories possibles. Les formes sauvages de logement sont également difficiles à prendre en compte (Ill. 1).

Ill. 1. L’hébergement diffus sauvage est le plus difficile à déterminer, tel que le camping sauvage (ici un camping-car près d’une aire de pique-nique et une tente dans le cadre d’une sortie cycliste, tous les deux à Saint-Jean-de-Monts), les bateaux de plaisance, l’accueil chez les parents et amis… (Source: Cl. Philippe Violier)

Pour preuve de ce manque cruel d’informations, un programme pour aider à appréhender la notion de capacité d’accueil dans les documents de planification et d’urbanisme est conduit par le GIP Littoral depuis 2021, en s’appuyant notamment sur la jurisprudence (voir l’annonce du programme).

Un indicateur conçu selon une appréhension urbaine du phénomène touristique

Pour pallier ces difficultés, la capacité d’accueil est déterminée, à partir de la circulaire du 22 octobre 1992 mais surtout depuis les années 2000, sur le principe d’un niveau de fréquentation touristique souhaitable. Les acteurs, en co-construisant son évaluation, l’inscrivent dans un processus de gestion du territoire plutôt que d’élaboration d’une stratégie sectorielle (Pottier et al., 2009; Chadenas et al., 2009).

La capacité d’accueil induit désormais une réflexion sur la planification des territoires en fonction du potentiel de développement urbain: protection de l’environnement naturel et humain, équipements publics et services, sécurité et salubrité publique… Il s’agit d’assurer les services essentiels, en particulier pour l’implantation de nouveaux logements, selon des normes qui peuvent changer selon les pays (Joardar, 1998).

La législation internationale a posé des critères plus précis pour permettre de mieux appréhender les contours de nouvelles normes, par exemple dans le cadre du Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée. Dans les années 2000, la notion de capacité d’accueil a alors été consacrée sous la dénomination de «capacité de charge», terme forgé à partir des sciences physiques, le lieu mis en tourisme étant conçu comme un matériau solide sur lequel s’exerce une pression pouvant provoquer, à terme, sa modification irrémédiable. Sous des abords scientifiques, la notion s’avère, dans les faits, chargée de sens politique.

Johan VINCENT et Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Chadenas Céline, Pottier Patrick, Pouillaude Agnès, Struillou Jean-François et Després Laure, 2009, «Pour une meilleure adéquation entre pression humaine et ressources littorales: évaluer la capacité d’accueil du territoire», Cahiers nantais. n°2, en ligne.
  • Falque M., 1969, «Prévisions démographiques et équipement hydraulique d’une zone à vocation touristique: la Corniche des Maures», Économie rurale. n°81-82, 1969, p. 75-82, en ligne.
  • Joardar Souro D., 1998, «Carrying capacities and standards as based towards urban infrastructure planning in India: a case of urban water supply and sanitation», Habitat international. vol. 22, n°3, p. 327-337, en ligne.
  • Pinault Tanguy, 1997, «Le tourisme littoral à travers la notion de capacité d’accueil», Revue juridique Neptunus. vol. 3, n°3, en ligne.
  • Pottier Patrick, Chadenas Céline, Choblet Claire, Lamberts Christine, Pouillaude Agnès, Sruillou Jean-François, Trouillet Brice, 2007, Capacités d’accueil et développement des communes littorales, synthèse bibliographique. Rapport du programme PUCA/DRE Pays de la Loire/MSH Nantes, en ligne [pdf].
  • Pottier Patrick, Chadenas Céline, Pouillaude Agnès et Struillou Jean-François, 2009, Évaluer la capacité d’accueil et de développement des territoires littoraux. Approche et méthode. Rapport auprès de la DREAL des Pays de la Loire, en ligne [pdf].