Atlantic City

Première station touristique inventée aux États-Unis, la cité a connu un itinéraire riche cadencée par des bifurcations spectaculaires (Équipe MIT, 2005). Elle est devenue un des lieux touristiques les plus célèbres de la côte du nord-est des États-Unis (Ill. 1).

Ill. 1. Le front de mer à Atlantic city, l’alignement des casinos et des grands hôtels le long du Boardwalk, la plage et le bord de mer. Au fond, surgit l’immeuble blanc du casino Trump Plazza (aujourd’hui fermé) (cl. Philippe Violier le 20 août 2010).

Une invention de l’autre côté de l’Atlantique

L’invention d’Atlantic City, comme station, se produit à la même époque que celles qui fleurissent s le long des côtes de l’Europe, le premier hôtel est bâti en 1853, ce qui confirme qu’il s’agit d’un processus structurel. En effet, le tourisme passe du monopole exercé par les privilégiés, aristocrates et rentiers, au stade du grand nombre, ce qui est permis par le déploiement et l’enrichissement de la société industrielle. Cette mutation du système sera réalisée grâce à des innovations comme celle des guides imprimés, des tour-opérateurs et des stations (Tissot, 2000).

Le docteur Jonathan Pitney (Ill. 2), fondateur du health resort, «s’associe avec Richard Osborne, un ingénieur civil de Philadelphie, pour concevoir la station» avec un plan en damier (Équipe MIT, 2005: p. 75) (Ill. 3 et 4). Le boardwalk, promenade en bois, offre la vue sur la plage et la mer, au-delà d’un cordon dunaire abaissé mais ici conservé (Ill. 5). Ces nouveautés sont aussi accompagnées par le détournement du chemin de fer, initialement créé pour transporter des marchandises industrielles. Atlantic City est reliée à Philadelphie par le train à partir de 1854 en 21 heures et demie (Équipe MIT, 2005).

Ill. 2. À Jonathan Pitney, Atlantic City exprime sa reconnaissance envers son father (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Ill.3. La reconnaissance s’exerce aussi en faveur de Richard Osborne qui a conçu le plan en damier et baptisé les artères du nom des sept océans pour les avenues parallèles au trait de côte et de celui des états de l’Union pour les axes perpendiculaires (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Ill. 4. Le plan en damier (cl. Philippe Violier le 21 août 2010)

Ill.5. La promenade dite boardwalk, dans la partie nord le cordon dunaire est complétement arasé, à l’arrière-plan à gauche on distingue un pier qui prolonge la balade perpendiculairement, et, à droite, les casinos qui se dressent en front de mer (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Une première bifurcation en 1929

Après une apogée durant les roaring twenties, la station est touchée de plein fouet par la mutation des pratiques. Dès le début du 20e siècle aux États-Unis, le bain froid et l’esthétique de la peau blanche cèdent le pas devant le couple «mer chaude et bronzage» qui s’impose notamment sous l’influence de Jack London qui décrit dans le récit de sa traversée du Pacifique, La croisière du Snarck, pour la première fois avec admiration le corps brun d’un surfeur, Duke Kanahamoku. Dès lors, la migration des oiseaux du Canada et de la mégalopole du nord-est des États-Unis est lancée. Vidée de ses touristes, Atlantic City cherche la parade et la trouve dans la construction du Boardwalk Hall, gigantesque palais (Ill. 6), qui va accueillir désormais des événements aussi variés que les conventions des grands partis politiques, des événements sportifs et l’élection de Miss America, la première du genre.

Ill. 6. Le gigantesque palais des congrès, édifié face à la mer, le long du Board walk en 1928 (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Une seconde en 1976

Le dynamisme de la cité balnéaire s’essouffle. Dans le film éponyme réalisé par Louis Malle (1980), l’ambiance y paraît bien lugubre. Un nouveau souffle va venir de la bienveillance étatique, chose plus rare aux États-Unis que de ce côté de l’Atlantique. En effet, en 1976, l’État fédéral rétrocède aux États de la fédération le droit d’autoriser l’ouverture des casinos. Ce privilège, détenu par Las Vegas et accordé après la Seconde Guerre mondiale pour suppléer à la fermeture de la base militaire, est alors distribué et attribué au gré des décisions prises par les pouvoirs décentralisés. Le New-Jersey en réserve l’exclusivité à Atlantic City, qui comptera jusqu’à 12 établissements, dont Le Taj Mahal, du groupe Trump (Ill. 7), et sort ainsi de l’ornière la destination. Cependant, les paillettes masquent mal la misère de quartiers proches du boardwalk, et la dégradation des espaces publics (Ill. 8).

Ill. 7. Face à la mer, le long du Board walk, le casino Taj Mahal du groupe Trump, au temps de sa splendeur, surmonté par la tour de l’hôtel. La concurrence avec Las Vegas apparaît ici clairement (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Ill.8. Non loin du front de mer, dont une tour apparaît, l’espace public n’est guère soigné (cl. Philippe Violier le 21 août 2010).

Et maintenant?

Après avoir été la seconde ville des États-Unis pour l’activité des casinos, le lieu est à nouveau en crise. Plusieurs établissements ont fermé. En 2014, le Revel a fait faillite, le Showboat a fermé le 31 août, et le Trump Plaza en septembre, comme le Trump Taj Mahal en octobre 2016 (3000 suppressions d’emplois). La ville a même été assignée «en justice par les services éducatifs de l’État du New Jersey [qui ont voulu] s’assurer que la municipalité de la côte est américaine respecterait bien ses engagements financiers envers les écoles» (lefigaro.fr avec AFP, publié le 5 avril 2016).

Philippe VIOLIER

Bibliographie

  • Équipe MIT, 2005, Tourismes 2. Moment de lieux. Paris, Éditions Belin.
  • Malle Louis, 1980, Atlantic City. Film produit par International Cinema, Selta Films, Merchant Films, Canadian Film Development Corporation (CFDC), Cine-Neighbor, Famous Player Limited, 104 minutes.