Agent de voyages
Conscient que le voyageur peut se trouver dans une position de vulnérabilité à l’égard de l’agent de voyages qui a organisé son séjour, entièrement dépendant de lui pour son bon déroulement, le législateur a très tôt encadré cette profession d’intermédiaire. Dès 1937, à l’époque des congés payés en France, il a décidé d’en contrôler l’accès en créant la licence d’agent de voyages, laquelle a subsisté jusqu’en 2009 pour être remplacée par une procédure d’immatriculation. De nos jours, l’agent de voyages exerce tant son activité en point de vente physique qu’en ligne. Sauf lorsqu’il se contente de réserver une prestation isolée pour son client, ce professionnel est comme un chef d’orchestre ou maître d’œuvre organisant, de plus en plus avec la collaboration du voyageur, l’intervention de plusieurs prestataires touristiques (transporteur, hébergeur, restaurateur, guide, animateur, etc.) dont il doit répondre.
Évoquer l’agent de voyages renvoie à Thomas Cook, homme d’affaires britannique fondateur de la première agence de voyages dans la deuxième moitié du 19e siècle mais aussi, désormais, à l’enseigne touristique éponyme rendue tristement célèbre en septembre 2019 par sa faillite à l’origine d’un nombre inédit de remboursements et de rapatriements…
L’agent de voyages, une notion protéiforme
L’agent de voyages est un acteur majeur du tourisme mais il n’est pas aisé de le définir car la réalité est complexe et ne correspond pas à une catégorie juridique uniforme. Classiquement, il est présenté comme un intermédiaire s’intercalant entre le voyageur et un prestataire de service touristique. C’est un professionnel qui propose, contre une rémunération, des séjours, billets d’avions, nuit d’hôtel, accès à des manifestations culturelles, etc. Traditionnellement, il exploite son activité en boutique. Désormais, beaucoup sont des OTA (oneline travel agency) et exercent via un canal digital. Juridiquement, et schématiquement, l’intermédiation d’un agent de voyages peut donner lieu à plusieurs qualifications. L’enjeu est primordial car elle détermine les droits du voyageur.
- Soit l’agent de voyages agit sur demande de son client, dont il est mandataire, pour lui trouver un prestataire, telle une compagnie aérienne. Le contrat de prestation «sèche» étant conclu entre les parties mises en relation, l’agent de voyages n’est pas responsable si un problème survient pendant son déroulement (retard, surbooking etc.). À l’heure d’Internet, cette formule est en déclin: le touriste réserve directement son vol ou son hôtel sur le site du prestataire.
- Soit le client s’adresse à l’agent pour acheter un forfait, c’est à dire une combinaison de prestations d’au moins 24 heures ou incluant une nuitée (train + location de voiture). Que ce forfait soit acheté sur « catalogue » car préconçu, ou composé «à la carte» selon les besoins du client, l’agent de voyages est assimilé à un vendeur commercialisant les biens fabriqués par d’autres. La loi le qualifie de détaillant d’un forfait organisé par un autre professionnel. Mais un agent peut aussi concevoir un forfait en assemblant différentes prestations pour ensuite le vendre directement aux voyageurs ou le revendre via des détaillants. Il est alors organisateur ou tour-operateur (TO).
L’agent de voyages, un professionnel soumis à des contraintes légales
La réglementation de la profession d’agent de voyages résulte de la directive 2015/2302 du 25 novembre 2015 transposée dans le Code du tourisme français par une ordonnance du 21 décembre 2017. Cette directive Travel remplace la directive précédente 90/314 du 13 juin 1990. Le droit européen n’utilise pas les termes «agent de voyages», distinguant en revanche l’organisateur d’un forfait du détaillant. Si le Code du tourisme comporte un titre «Des agents de voyages et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours», il n’emploie pas non plus cette expression par la suite. C’est donc par habitude ou facilité de langage que le secteur du tourisme l’utilise.
« Le tourisme joue un rôle considérable dans l’économie de l’Union et les voyages, vacances et circuits à forfait […] constituent un segment important du marché des voyages. »
Directive 2015/2302, considérant 2
L’accès à la profession d’agent de voyages est réglementé; ce qui n’est pas surprenant au regard de l’objectif européen de protection des voyageurs. Le Code du tourisme impose ainsi une obligation d’immatriculation auprès d’Atout France (Agence de développement touristique de la France) conditionnée au respect de deux conditions: une garantie financière couvrant le risque d’insolvabilité de l’opérateur et une assurance couvrant les conséquences de sa responsabilité civile professionnelle. L’immatriculation préalable au démarrage d’activité remplace, depuis une loi du 22 juillet 2009, l’ancienne licence d’agent de voyages instaurée pour la première fois en 1937.
Que l’agent soit détaillant ou concepteur d’un forfait, il est responsable en droit français de la bonne exécution du forfait. D’une part, le voyageur peut s’adresser à l’un ou l’autre pour obtenir satisfaction avant comme après le départ. Généralement il interpellera le détaillant, son interlocuteur. D’autre part, c’est une responsabilité de plein droit, très lourde pour les professionnels français: le client n’a pas à prouver la faute de l’agent, ni celle d’un prestataire (retard d’un vol, mauvaise qualité d’un équipement hôtelier, etc.). Le droit européen n’imposant pas une responsabilité de plein droit, la France aurait pu retenir un système de responsabilité pour faute prouvée, moins protectrice des voyageurs, et elle aurait pu choisir, comme dans la majorité des états membres, de ne rendre responsable que le concepteur du forfait.
Bibliographie
- Directive 2015/2302 du 25 novembre 2020 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées: articles 2 et 3.
- Code du tourisme : article L. 211-1.
- Lachièze Christophe, 2020, Droit du tourisme, Lexisnexis, 288 p.
- Lachièze Christophe, 2018, «Les agents de voyages et autres intermédiaires du tourisme à l’ère numérique; à propos de l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017», JCP, p. 100.